Un appel pour les services publics

Vaud • Une coalition d’une partie de la gauche et des syndicats lance un «appel pour le maintien des prestations publiques». L’entrée en vigueur anticipée de la RIE III vaudoise, risque d’engendrer des pertes de centaines de millions, au détriment du service public.

C’est au nom d’un conseil d’Etat vaudois triomphaliste que le ministre des Finances Pascal Broulis présentait, jeudi dernier, un projet de budget 2019 équilibré, en dépit des effets de la RIE III vaudoise. L’ambiance était moins festive du côté de l’alliance formée par le groupe Ensemble à Gauche (POP et Solidarités), les syndicats (Syndicat des Services publics, Sud et Acidus) les Jeunes Verts et les Jeunes socialistes, qui lançait la veille son «Appel pour le maintien des prestations publiques».

Cette coalition d’une partie de la gauche entend tirer la sonnette d’alarme devant le déficit attendu pour les communes, estimé à 130 millions en 2019, contre 80 millions promis en 2016 par le Conseil d’Etat lors de l’acceptation de la RIE III en vote. En effet, tant que la réforme fiscale au niveau fédéral (RFFA) n’est pas appliquée, la Confédération ne versera pas les compensations d’environ 107 millions promises aux communes et les statuts spéciaux, dont bénéficient les grandes entreprises, resteront en vigueur. Cependant, avec l’introduction de la réforme vaudoise, les PME indigènes, réalisant la plus grande partie de leur bénéfice en Suisse, seront taxées à 13.79% dès 2019, contre 21,6% actuellement.

Pour anticiper ce manque à gagner, un accord vient d’être conclu entre les deux associations de communes, l’Union des communes vaudoises (UCV) et l’Association des communes vaudoises (AdCV), et le conseil d’Etat, qui versera en 2019 à ces dernières une compensation de 50 millions, comme demandé par la motion par le député Vert, Maurice Mischler.

Dès 2020, Vaud assumera la totalité des coûts de financement de l’Association vaudoise d’aide et de soins à domicile (AVASAD), contre deux tiers actuellement. Le gain pour les communes devrait avoisiner 35 millions de francs. Mais pour l’Alliance en faveur du service public, les compensations prévues par le parlement cantonal sont insuffisantes et seront exclusivement assumées au détriment des finances cantonales. D’où leur appel afin de maintenir le niveau et la qualité des prestations publiques, de reporter la mise en œuvre de la réforme fiscale vaudoise en attendant l’abolition des statuts spéciaux, ou, le cas échéant, d’obtenir une compensation pour toutes les pertes supplémentaires des communes.

Des investissements reportés

Karine Clerc, municipale popiste à Renens, observe directement les effets de la réforme. «Notre commune s’agrandit, ce qui implique d’étendre certaines prestations. Pourtant, dans le cadre de notre budget 2019, nous devons limiter nos dépenses, y compris lorsque celles-ci sont nécessaires. Par exemple à travers l’adaptation des postes de travail dans des secteurs en plein développement. Un des effets possibles de cette réforme est donc l’augmentation de la masse de travail des employés communaux déjà en poste, ou une diminution des prestations, ce qui équivaut à un report des charges sur les citoyens Des conséquences risquent également de se faire sentir au niveau du calendrier des investissements, que nous devons réévaluer afin d’éventuellement déterminer si certains travaux pourront être ralentis ou reportés».

Julien Eggenberger, président du Syndicat des services publics (SSP), pointe, quant à lui, la remise en cause de développements dans certains secteurs du ressort des communes, comme l’accueil parascolaire: «Les communes ont la main sur les normes de l’accueil parascolaire, où elles ont convenu d’abaisser les conditions d’encadrement, en réduisant de moitié le personnel qualifié et en augmentant de 20% la taille des groupes d’enfants».

Autre conséquence liée à l’application de la RIE III vaudoise: le renforcement du mécanisme de péréquation financière, qui implique un financement accru de la part des communes «riches», afin que les communes «pauvres» soient un peu moins impactées par la réforme. C’est le cas à Nyon, où la commune a prévu une hausse de la fiscalité des personnes physiques, pour contrebalancer la baisse des ressources. «La commune va perdre de 15% à 20% de ses recettes, alors que c’est une commune qui grandit beaucoup et qui a besoin de nouvelles infrastructures».

Le prochain round se déroulera au Grand Conseil, qui se prononcera en octobre sur une motion du député Ensemble à Gauche Hadrien Buclin, demandant le report de la réforme fiscale vaudoise en attendant sa mise en œuvre au niveau fédéral.