La semaine passée, nous avons relayé dans nos colonnes une lettre ouverte signée par vingt-cinq publications, dont Gauchebdo. Celle-ci demandait, d’une part, à la direction de la Poste de renoncer à l’augmentation des tarifs de distribution de journaux. Et, d’autre part, aux autorités fédérales d’intervenir pour garantir la diversité de la presse. Le géant jaune a en effet programmé, sur trois ans, une hausse de 6 centimes par exemplaire acheminé frappant uniformément l’ensemble des titres. Cet accroissement de 20 à 40% des frais postaux selon
les publications est difficile à encaisser dans un secteur en crise. Contrairement à nombre de pays européens, la presse suisse ne bénéficie d’aucun soutien direct des pouvoirs publics à l’exception de cette réduction sur la distribution postale. Au titre de cette «aide indirecte à la presse», la Poste reçoit annuellement 50 millions de francs de la Confédération. Mais l’ancienne régie fédérale, devenue une société anonyme comme les autres, prétend que ce secteur est «déficitaire». La lettre ouverte des vingt-cinq journaux a été remise le 3 sep-
tembre au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication de Doris Leuthard qui, espérons-le, examinera avec attention nos doléances.

Deux jours plus tard, dans la même Berne fédérale, ce fut la douche froide pour la presse lorsque la Commission fédérale des médias publia ses «recommandations» pour «l’aide aux médias».

Plantons d’abord rapidement le décor. Nommé par le Conseil fédéral, ce collège «d’experts» est censé aider le gouvernement et le parlement dans leur (lente) réflexion quant à l’avenir des médias. Co-présidée par Otfried Jarren, un professeur de l’Université de Zurich, et Christophe Rasch, qui n’a plus guère de travail depuis qu’il a été débarqué au printemps de la direction de La Télé, cette commission de treize membres,
dont les deux tiers n’ont aucun lien direct avec la presse, ne dénombre pas un représentant de la presse romande. On y trouve par contre le patron de PubliGroupe, comme si l’avis du secteur publicitaire avait plus d’importance que la presse régionale. Ou un commissaire nommé en tant que «spécialiste du droit des médias» chez… Swisscom.
Cette commission n’a rien trouvé de mieux que de proposer de supprimer purement et simplement les rabais sur les tarifs postaux qui ne seraient «pas necessaires» et «plus guère efficaces»! Ben voyons. Que ces apprentis sorciers sachent que le coup serait bien rude pour
Gauchebdo et pour la presse régionale, qu’il serait par exemple fatal au Courrier, un titre indispensable, comme d’autres, à la formation de l’opinion publique.
Pour remplacer l’aide indirecte, la commission a présenté des mesures bien vagues. Seul élément concret proposé: une subvention directe de la Confédération à l’Agence télégraphique suisse (ATS). Détenue par les grands groupes de presse, cette société anonyme touche déjà environ 3 millions de francs de l’administration fédérale. Et, ô surprise, on découvre que le rédacteur en chef de l’ATS siège justement au sein de la commission des médias… Tout s’explique. Il fait bien son boulot, lui!
Comme sur l’assurance maladie ou les retraites, force est de constater que nous ne pouvons guère compter sur une «sagesse» fédérale venue d’en haut. Dès lors, il ne nous reste qu’une solution: former une vaste alliance pour défendre la diversité de la presse et, finalement, la démocratie.
Jérôme Béguin
Gauchebdo, édition du 12.09.14