A chaque votation concernant la santé, nous devons faire face à la même machine de guerre, puissante, sournoise, très discrète et prête à toutes les pratiques pour faire entendre sa voix: le lobby des assureurs maladie. Mais comment ces organismes fonctionnent-ils ? Qui sont ceux qui sont leur relais au plus hautes sphères de l’État ? Éléments de réponse…

Un lobby est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. Donc sur nos politiciens. Organisés en agence spécialisée dont les plus gros commanditaires sont les assureurs, Santé suisse et Curafutura, les agents des lobbies sont des habitués de la salle des pas perdus du Parlement. Outre la participation aux campagnes de votations, avec toute l’agressivité et les moyens financiers qu’on leur connaît, leur objectif est d’avoir la plus grande influence possible au sein des plus hautes sphères de l’État, là où sont décidées les lois, pour pouvoir orienter la législation dans le sens qui leur sied le mieux. Pour ce faire, rien de plus simple, ils aguichent femmes et hommes politiques d’influence en leur proposant de participer à leurs conseils d’administration ou à de mystérieux groupes de réflexions en échange d’une rémunération plus que coquette. Ces politiciens deviennent finalement les porte-paroles de ces lobbies qui leur mettent à disposition nombre d’argumentaires et de propositions toutes faites que nos chers élus n’ont plus qu’à relayer, mot pour mot, sans oublier les fautes de syntaxe. En définitive un gain de temps et d’argent pour nos parlementaires. Mais cela ne pose-t-il pas un problème d’indépendance ? Si leur conscience le leur dicte, voteront-ils à l’encontre des intérêts de ceux qui les payent ?

Le Groupe de réflexion santé, qui appartient au Groupe Mutuel, est un bon exemple. Il compte     plusieurs conseillers nationaux , tous de partis de droite faut-il le préciser. Ces conseillers ont l’habitude de participer à des séances dans les salons feutrés d’un palace de la place bernoise, séances pour lesquelles ils sont « défrayés ». Les guillemets sont importants car il s’agit là d’une citation d’un conseiller national radical qui est bien le seul à penser que 5’000.- à 10’000.- (versés sous forme d’enveloppe) pour une séance est un défraiement et non pas une rémunération.

Ou comme en a témoigné Françoise Saudan ancienne conseillère radicale du Conseil des Etats, au micro de la RTS : spécialiste des assurances sociales, elle avait été approchée en son temps par une grande assurance qui lui offrait un siège à son Conseil d’administration. Défraiement de la prestation offert par la société anonyme: entre 42 000 et 45 000 francs par année pour la participation à une demi-douzaine de séances.

Pour ce qui est de la Commission santé du Parlement, la situation est encore plus critique puisqu’elle compte nombre de membres rattachés à un assureur maladie. Une commission très influente, sous influence du lobby des assureurs qui balaye carrément les propositions du National pour travailler uniquement sur les propositions des assureurs maladie. Comme lors du débat sur la fin du gel de l’installation des nouveaux médecins en 2008. Une proposition de projet du National élaborée de concert avec la FMH et la Conférence des directeurs de la santé est proposée à la Commission santé. Projet à peine examiné avant d’être écarté au profit du projet élaboré entièrement par les spécialistes d’Helsana.

Lors de la votation de 2007 sur la Caisse unique, nous avons pu voir à l’œuvre cette machine de guerre et ses sbires au Parlement. Aujourd’hui encore, le lobby des assureurs avance masqué sous le nom de Forum santé pour tous ou d’Alliance santé. Le travail de recrutement mené à bien, on peut compter dans leurs rangs bon nombre de parlementaires et de membres de la Commission santé qui se sont chargés de balayer le débat sur la Caisse publique. Aucun contre-projet n’est proposé et la campagne de votation peut commencer. Campagne comme très souvent inégale au vu des moyens financiers investis par les différents camps. Les budgets de campagne annoncés parlent d’eux-mêmes 5 millions contre 250’000.- francs. Il faut dire que les opposants à la Caisse publique disposent d’une ressource considérable de moyens… nos si chères primes payées chaque mois. Santé suisse et son lobby ont beau nous jurer que l’argent est pris uniquement sur les bénéfices des assurances complémentaires, personne ne nous en voudra de douter de la parole de cette machine à laver les consciences. Un rapport de la très sérieuse Office fédéral de la justice stipule d’ailleurs qu’on ne peut pas exclure que cet argent ait été pris sur les primes de l’assurance de base. Nous ne pourrons pas dire que nous ne sommes pas au courant.

Selon Pascal Couchepin, le lobby des assureurs maladie « a pour fonction de défendre les assurés ». Les assurés comprennent plutôt que les assureurs y défendent leurs propres intérêts et leur pouvoir. Comment pouvons-nous imaginer que l’association des assureurs maladie n’a d’autre fonction que de protéger leurs propres intérêts qui sont par définition à l’opposé des nôtres ? En revanche les assurés que nous sommes devraient pouvoir compter sur leurs politiques pour réguler un système qui a fait augmenter les primes en toute opacité de 66 % ces dix dernières années ! Si le lobby des assureurs est puissant, influent et fait peur. Mais il y a un lobby encore plus puissant que celui-là: le peuple. A lui de montrer sa volonté en disant STOP aux pratiques scandaleuses et aux machinations des caisses d’assurance maladie en disant OUI à la Caisse publique le 28 septembre.

Céline Misiego