Personne ne doit gagner moins en un an que ce qu’un manager gagne en un mois dans la même entreprise. Au-delà de nous paraître un principe raisonnable, il s’agit surtout de réguler un marché financier totalement déraisonnable.

 

Une étude sur les salaires conduite en 2013 par Unia dans les 41 plus grosses entreprises suisses cotées en bourse montre que les rémunérations sont passées d’un différentiel de 1 à 120 en 2011 à 1 à 135 en 2012. Au haut du classement, où l’on retrouve Novartis, Crédit Suisse et UBS, on peut même arriver à du 1 :400 voir 1 :700. Mais en bas de l’échelle, les salaires stagnent avec une hausse de 0,7%. Alors que les 1% de salaires les plus élevés ont augmenté de 22% ces dernières années. L’étude montre aussi que ces rétributions hors norme sont loin d’êtres liées à une augmentation du bénéfice de l’entreprise. « La rémunération qu’un manager peut négocier ne correspond pas à son apport individuel aux bénéfices de l’entreprise, mais plutôt à sa position de force dans un cercle restreint de managers et au copinage qui en découle pour maintenir ces rentes. En économie, on nomme ce phénomène le rentseeking  » relève Pierluigi Fedele, membre du comité directeur d’Unia. Ce système est donc bien connu et tout à fait avéré même au sein des plus illustres économistes mondiaux. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, nous l’explique « Nous avons un système politique qui confère un pouvoir exagéré aux personnes situées au sommet de la pyramide des revenus. Elles ont mis à profit leur pouvoir non seulement pour freiner la redistribution, mais aussi pour influencer les règles du jeu en leur faveur et pour soutirer à la collectivité ce qu’on pourrait qualifier de substantiels cadeaux » Il s’agit là d’un système qu’on peut qualifier de spéculatif, créé par ces top-managers et qui ne repose sur rien de concret. Il ne repose en effet pas sur l’impact qu’ont les managers sur les bénéfices, sinon bon nombre des managers des grandes banques ne retrouveraient pas de travail aussi bien rémunéré. Il ne repose pas non plus sur la pénibilité du travail. Etre top managers, en plus des avantages sociaux que cela apporte, reste bien moins pénible que d’être bûcheron ou éboueur. Il ne repose enfin pas non plus sur la responsabilité, et c’est là le plus grand problème. Car lorsqu’ils licencient d’un côté et se font verser des millions en salaires et bonus de l’autre, au final c’est notre argent qui sert à payer les pots cassés.  Leurs décisions ont donc un impact sur l’argent de la collectivité, mais leur responsabilité juridique n’est jamais engagée. L’exemple des banques est frappant à ce sujet. Rappelez-vous qu’AUCUN manager n’a été condamné pour le scandale des subprimes qui a pourtant eu l’impact désastreux qu’on connaît. Chez UBS, c’est carrément notre argent qui a été injecté dans l’entreprise pour la renflouer, quand bien même les difficultés financières résultaient d’une gestion désastreuse de Marcel Ospel dont le salaire annuel était de… 26 millions. Et malgré tout, il a d’abord fallu verser à nouveau des bonus et salaires indécents avant de rembourser l’État ! Ceci montre bien le dédain qu’ont ces gens-là pour la population.

 

Alors oui les hauts revenus et grandes fortunes participent de façon importante au financement des prestations publiques. Mais la répartition inégale de cette fortune et de ses revenus implique des coûts importants notamment du côté des services sociaux. Il faut bien que tous ces pauvres puissent se loger, payer leurs assurances maladies. Et du côté du chômage il faut bien pouvoir verser les allocations à tous ces gens qui ont été virés par ces top-managers justement, au nom du profit et de rentabilité ultime.  De plus l’augmentation des revenus de la classe moyenne apporterait un pouvoir d’achat bien plus grand que de la réserver à une seule partie de la population. Il y a en effet des limites à ce qu’on peut dépenser dans l’économie locale. Quant aux éternelles menaces de délocalisation ou de licenciements massifs, elles ne sont surtout pas à prendre en compte car l’histoire de ces dernières années montre qu’elles se produisent indépendamment de nos votations ou de leurs  résultats financiers. Et n’est-il pas triste de penser que notre pays n’a rien d’autre à offrir que des avantages fiscaux ou des bonus mirobolants ? Le patron de l’entreprise Schindler assure lui qu’il ne délocalisera pas surtout parce que la Suisse est stable, a de bonnes assurances sociales et infrastructures publiques et une main-d’œuvre qualifiée. Et ne vous y trompez-pas, cette initiative concerne uniquement les grandes entreprises cotées en bourse. Dans les PME de notre pays l’écart est en-dessous de 1 :12, il se situe en moyenne à 1:5.

 

Céline Misiego