Par David Payot, Conseiller communal, Lausanne

Taxe sur les déchets : le Service des gérances applique-t-il bien le droit du bail ?

Le Service des gérances annonce à plusieurs locataires que les frais accessoires seront augmentés de diverses taxes, suite à l’introduction de la taxe déchets selon le volume ECA des bâtiments. Cela correspond-il au droit du bail et aux déclarations faites au Conseil lors de l’adoption du Règlement sur la gestion des déchets ? Nous avons quelques doutes, qui motivent nos questions sur la pratique du Service des gérances.

Les nouvelles prétentions du Service des gérances

En mars 2013, le Service des gérances, ou en tout cas son unité COLOSA,  a envoyé à plusieurs locataires un courrier intitulé « Nouveau règlement communal sur la gestion des déchets » et une formule officielle « Notification de nouvelles prétentions » (voir annexes). En substance, il était annoncé que diverses « charges de préférence » et « taxes publiques » seraient incluses dès le 1er juillet 2013 dans les frais accessoires. Plus spécifiquement, il était indiqué qu’une taxe de base annuelle avait été introduite suite au nouveau règlement sur la gestion des déchets, et qu’elle serait répercutée sur les locataires. Il est certain que ces éléments contribueront à augmenter les décomptes de charges. Les courriers de l’administration communale n’annonçaient pas de diminution du loyer net en contrepartie de cette hausse des frais accessoires.

Bases légales et déclarations publiques

Le règlement sur la gestion des déchets spécifie à son article 12, lettre A, alinéa 1 : « Les propriétaires d’immeubles paient une taxe de base annuelle. Ils peuvent la répercuter sur les locataires dans la mesure où le contrat de bail le permet ». Est-ce à un règlement sur la gestion des déchets de fixer les obligations réciproques du bailleur et du locataire ? En l’occurrence le règlement paraît surtout rappeler le droit du bail, précisé à l’art. 257a al.2 du Code des Obligations : « Ils [les frais accessoires] ne sont à la charge du locataire que si cela a été convenu spécialement ». D. Lachat précise dans son ouvrage « Le Droit du Bail » (2008, p. 198) : « Lorsqu’il transforme en nouveaux frais accessoires des charges précédemment rémunérées par le loyer, le bailleur doit réduire ce dernier. A défaut, le locataire peut soit contester la prétention, car elle équivaut à une majoration « déguisée », soit solliciter une diminution de loyer (art. 270a CO ; …) ».

Le rapport de la commission 2012/24, sous la plume de M. J.-F. Cachin (page 6/28), précise : « Les baux à loyer devront être modifiés pour y inclure la taxe forfaitaire, et si une contestation de la refacturation sera possible de la part du locataire. Monsieur le Syndic rappelle que l’Asloca a estimé qu’une modification du bail était nécessaire, poussant ainsi la Chambre Vaudoise Immobilière (CVI) à modifier son bail-type de manière à ce qu’une taxe portant sur les déchets figure dans les charges. Un bail rédigé selon l’ancien modèle nécessiterait peut-être une modification ou un addenda, mais les montants de la taxe sont très faibles par rapport au revenu locatif donc cela ne serait pas un grand problème pour les propriétaires si le versement de la charge par le locataire devait être reporté ».

Nouvelles prétentions : quelle légalité et quelle ampleur ?

Sur la base de ces éléments, la démarche du Service de gérances nous surprend. Si ces taxes étaient déjà incluses dans les frais accessoires notés dans le bail, pourquoi avoir envoyé une notification officielle de nouvelles prétentions ? Si ces taxes n’étaient pas incluses dans les frais accessoires notées dans le bail, pourquoi le Service des gérances notifie-t-il une nouvelle prétention sans baisse du loyer net en contrepartie ? Dans ce cas-là, cela correspondrait à une hausse de loyer sans justification explicite. En effet, le droit du bail prévoit que le loyer net couvre a priori tous les frais résultant de l’usage de la chose louée. Quand des charges sont transférées du loyer net vers les frais accessoires, cela diminue donc les charges assumées par le bailleur, et augmente celles du locataire. Si le loyer net reste le même, le rendement obtenu par le bailleur augmente.

Par ailleurs, l’ampleur de la hausse n’est pas claire : la notification de hausse évoque un grand nombre de taxes incluses dans les charges, alors que la motivation ne mentionne que la nouvelle taxe résultant du Règlement sur la gestion des déchets. La nouvelle taxe devrait rester largement sous la barre des 100 francs par habitant et par an, alors que l’ensemble des taxes citées représente un montant plus difficile à évaluer.

En conséquence, nous posons les questions suivantes :

1. Tous les locataires du Service des Gérances ont-ils reçu une notification de nouvelles prétentions concernant diverses taxes, incluses à partir du 01.07.2013 dans le décompte de charges ? Si seule une partie des locataires est concernée, laquelle et pourquoi ?

  1. 2. La Municipalité peut-elle confirmer la légalité de ces nouvelles prétentions au regard du droit du bail et aux éléments annoncés lors de l’introduction du Règlement sur la gestion des déchets ? Dans le cas contraire, prévoit-elle de renoncer aux prétentions exprimées ?
  2. N’y a-t-il pas contradiction entre la lettre d’accompagnement, qui met en avant la taxe de base annuelle du Règlement sur la gestion des déchets, et la notification de nouvelles prétentions, qui indique la facturation dans les charges d’une longue série de taxes (notamment : épuration, égout) ? S’il y a contradiction, lequel de ces documents fait-il foi juridiquement, et lequel sera-t-il appliqué par la Commune de Lausanne ?

Lausanne, le 28 mai 2013

Pour le groupe La Gauche

David Payot

les annexes n’ont pas pu être reproduites, en voici le texte:

Extrait du courrier « Nouveau règlement communal sur les déchets »:

« Les nouvelles dispositions prévoient une taxe de base, une taxe proportionnelle et des taxes spéciales destinées à couvrir les prestations particulières.

« Il s’en suit que tous les immeubles sont soumis à une taxe de base annuelle qui peut être répercutée sur les locataires.

« A cet effet, nous vous remettons en annexe, la formule officielle « notification de nouvelles prétentions » en vous priant de bien vouloir la considérer comme un avenant à votre bail à loyer. »

Extrait du formulaire « Notification de nouvelles prétentions »:

« 1. Désignation: Le locataire participe, avec les autres locataires, au paiement des charges de préférence et des taxes publiques, telles que taxe d’épuration des eaux (entretien et utilisation), taxe d’égout, taxe d’enlèvement des ordures, taxe de gestion des déchets et taxe des sacs à poubelles, taxes relatives à la gestion des déchets, leur élimination, le financement et l’entretien des infrastructures, taxes de bases et taxes spéciales destinées à couvrir les coûts de prestation particulières. Les frais accessoires susmentionnés font l’objet d’un décompte annuel séparé ou de rubriques distinctes du compte de chauffage et d’eau chaude.

« 2. Entrée en vigueur: 1er juillet 2013

« 3. Motifs: Introduction par la Ville de Lausanne d’une taxe de base destinée à financer les charges d’infrastructure et d’élimination des déchets, selon le nouveau règlement communal sur la gestion des déchets, entré en vigueur le 01.01.2013 selon lettre explicative jointe ».