Ce serait une belle mission pour l’ex-régie fédérale, dont les intentions de fermer des agences suscitent de vives critiques
La Poste veut fermer 70 filiales dont 19 dans le canton de Vaud. Pour son président, ces fermetures seraient un progrès, car les offices seraient remplacés par des commerces proposant des horaires plus larges. En septembre, face aux résistances de tout bord et au moratoire voté par la Commission des transports et des télécommunications, le conseiller fédéral Albert Rösti demande aux élus de ne pas figer La Poste dans de vieilles structures. Il ne veut pas subventionner des guichets ou il n’y aurait personne.
En réalité, le géant jaune fabrique la réalité à laquelle elle souhaite correspondre. Avec un horaire qui s’étend de 9 h à 11 h 30, dans certains quartiers, elle n’est utile qu’à peu de personnes. Elle a réduit les horaires pour justifier les fermetures d’offices, mais dans les centres urbains, l’attente au guichet peut être longue.
La Poste est nécessaire, pour des démarches financières, administratives, envoyer des courriers, en recevoir, gérer ses comptes, acheter des timbres. Toutefois, comme pour tout service, elle doit s’adapter aux changements de comportement des gens: proposer un appui numérique, aider les personnes à faire des démarches en ligne, proposer un horaire en fin de journée. Les agences ne disposent ni des compétences ni du temps pour offrir un service large à la population. Elles ne peuvent pas détenir de grandes sommes d’argent. En martelant que leurs offices se vident, La Poste se décharge sur des bénévoles, ou les services sociaux. Le service universel incontournable devient invisible.
En Suisse, selon une étude relayée par «Le Temps», en mai 2024, un tiers de la population serait concerné par ce qu’on appelle l’illettrisme numérique. Ces personnes ne parviennent pas à faire des achats en ligne, à faire leurs paiements via e-banking ou trouver des informations de base sur le Net. Une partie d’entre elles en est peu ou pas consciente. À Genève, l’inscription dans la Constitution du droit à l’intégrité numérique demande aux autorités de s’engager en faveur de l’inclusion numérique. Une jolie mission pour La Poste, qui pourrait aussi intéresser le Conseil fédéral, soucieux de ne pas enfermer cette dernière dans de vieilles structures.
Des guichets bienveillants
Lors des négociations avec les responsables de La Poste, les communes se sont retrouvées face à des personnes qui essayaient de gagner du temps, car les décisions étaient prises. Si les services publics, quels qu’ils soient, doivent s’adapter, comme le font l’école obligatoire et les écoles supérieures, obligées de s’adapter aux nouvelles pratiques pour atteindre leurs objectifs d’apprentissage, pourquoi l’ex-régie fédérale n’est-elle pas en mesure de le faire?
La Poste pourrait offrir des guichets bienveillants, où recevoir aide, appui, conseils, pour des démarches diverses, y compris celles qui se font en ligne. Et pourquoi pas tout cela en musique, avec un petit coin café où rédiger une carte postale en attendant son tour?
texte de Karine Clerc, municipale POP fourmi Rouge à Renens, publié dans la rubrique l’invité du 24 heures