Depuis une vingtaine d’années, les besoins et l’accompagnement médical des enfants et des adolescents ont beaucoup évolué. Entre autre, les effets des déterminants sociaux sur la santé et le développement des enfants ont été mieux décrits et compris dans les études scientifiques, même s’ils ne sont pas toujours pris en compte. Par contre, la formation des pédiatres est restée très bio-médicale et la part de l’enseignement post-gradué laisse encore une place restreinte à la pédiatre sociale. Cela a pour conséquence que peu de médecins pédiatres sont prêts à travailler dans le domaine de la santé scolaire par exemple. Par ailleurs, ils sont souvent démunis dans leur pratique en cabinet où la part psychosociale, de prévention et de promotion de la santé a pris le dessus sur le traitement des problèmes aigus alors qu’ils ne sont pas ou peu formés pour une telle approche. Les pédiatres qui s’installent doivent d’ailleurs faire preuve de flexibilité et de savoir-faire pour répondre aux besoins des enfants de manière optimale, ce qui, heureusement, est généralement le cas.

Souvent, dans les milieux scolaires, parascolaires ou préscolaires qui sont des lieux de vie importants pour les enfants, on « oublie » de contacter les pédiatres en cas de difficultés ou de questionnements en lien avec le développement de l’enfant (troubles du comportement par exemple). Pourtant, ces pédiatres ont noué des liens de confiance avec les enfants et les familles concernés. Ils pourraient contribuer, grâce à leurs connaissances ,à trouver des solutions.

Bien sûr, la pédiatrie sociale ne concerne pas uniquement la médecine scolaire, mais aussi, le pré scolaire et les populations pédiatriques en situation de vulnérabilité. Ces dernières représentent d’ailleurs une « bombe à retardement « et pose déjà de nombreux problèmes à beaucoup d’établissements scolaires. La pédiatrie sociale devrait être, en particulier, très vigilante à intégrer les droits des enfants en matière de santé, domaine encore mal connu des professionnels. L’exemple du travail fait par les équipes du Dr Gilles Julien depuis une vingtaine d’années au Québec est, à ce titre, assez exemplaire. Il propose une prise en charge intégrée et multidisciplinaires des enfants et de leur famille. Le respect des droits et la réponse aux besoins de base non comblés des enfants est au centre de leur approche.

Dans le canton de Vaud, il existe une dispersion des forces. Pourtant, il est largement reconnu que le travail en réseau est nécessaire. En effet, pour ne prendre que la médecine scolaire (qui n’a plus de responsable médical et infirmier cantonal attitré depuis quelques années) est formellement liée à l’AVASAD, alors que l’Unité de Promotion de la santé et de Prévention en milieu scolaire (PSPS) dépend du Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES) et donc sans lien direct avec le Département de la formation (DEF) pourtant directement concerné. On voit comme il est difficile d’avoir une cohérence dans les prises en charge et combien la tentation de travailler en silo est grande.

L’approche de la pédiatrie générale et sociale évolue lentement, mais sûrement, au sein du CHUV avec le développement de consultations spécialisées pour les familles en situation de vulnérabilité, d’une formation adaptée aux nouveaux besoins des enfants pour futurs médecins et d’une expertise dans le domaine de la pédiatrie sociale. Mais, ces améliorations sont rendues difficiles car il n’y a pas de  coordination réelle entre les milieux de la prévention, de la promotion de la santé et des professionnels travaillant sur le terrain de la petite enfance et de l’école.

Dans ce sens, il serait important de mieux définir les rôles de chacun et de créer, par un mandat du DSAS, en collaboration avec le CHUV, l’UNIL et le Groupement des pédiatres romands, un centre de pédiatrie sociale et communautaire. Ce dernier deviendrait un véritable pôle de compétence et de recherche permettant d’améliorer durablement la santé des enfants du canton en développant des mandats de prévention et de promotion de la santé pour les familles ainsi qu’un soutien pour les familles concernées.

Par ce postulat, nous demandons au Conseil d’Etat de présenter un rapport sur sa vision de la pédiatrie sociale, de la prise en compte des déterminants sociaux de la santé et d’une approche basée sur les droits de l’enfant. Le Conseil d’Etat pourrait développer comment il entend répondre au défi que posent les problèmes neuro-développementaux et psychosociaux de plus en plus nombreux chez les enfants. Ceux-ci, en effet, complexifient leur intégration scolaire, sociale puis professionnelle alors que l’on sait que plus ces problèmes sont reconnus et pris en charge tôt, plus le pronostic est bon et les résultats favorables. Au travers de ce rapport, le Conseil d’Etat  pourrait également évaluer la pertinence de la création d’un centre universitaire de pédiatrie sociale et communautaire.

Postulat déposé par Marc Vuilleumier député POP au Grand Conseil