À la fin du mois de mai, les Départements cantonaux de l’économie (DEIS) et de la formation (DFJC) annonçaient qu’ils allaient débloquer un fonds pour la formation: 16 millions pour payer le salaire des apprenti·e·s, et limiter les effets de la crise du Covid-19, là où le risque était grand, et déjà avéré, de voir se réduire drastiquement le nombre de places d’apprentissage.
Mesure à saluer: l’État peut agir sur les effets retard de la crise, en soutenant l’emploi et la formation, par une forme de subvention aux employeurs. En bref, l’argent du contribuable permet à l’État de limiter les conséquences de différentes crises, qu’il s’agisse d’une crise économique ou d’une crise sanitaire.
Je préfère la main de l’État à la main invisible du libéralisme, cette vision qui prétend que la liberté en économie va automatiquement s’équilibrer pour le bien de toutes et tous. On voit bien que ce n’est pas le cas. En revanche, derrière l’État, il y a nous et, devant ses gestes protecteurs, il y a nous aussi. C’est plus simple et cela revient à la population. Il reste toutefois à voir qui devrait payer cette subvention aux employeurs, et comment.
Cette initiative de notre Conseil d’État me rappelle une autre initiative, la LIPA: initiative «Pour des places d’apprentissage» lancée par les Jeunesses syndicales, passée en votation populaire en 2003. Cette initiative avait été rejetée par le Conseil fédéral, qui arguait que le manque de places d’apprentissage était un problème conjoncturel. Il ne voulait pas d’une responsabilisation de tous les acteurs par la contrainte. Il est revenu sur cet argument peu après.
Inégalités sectorielles
Basée sur le droit à une formation appropriée et garantie, cette initiative proposait de créer un fonds pour la formation professionnelle à l’échelle de la Confédération. Ce fonds, qui devait être alimenté par la contribution de tous les employeurs, aurait été mis à disposition des Cantons pour la création et le maintien de la qualité des places d’apprentissage.
Cette initiative répondait au constat que tous les secteurs d’activité ne sont pas égaux face aux coûts de la formation des apprentis, avec des conséquences dommageables sur l’offre. Certaines professions ont de nombreuses places vacantes alors que leur absence est dramatique dans d’autres. L’initiative proposait une juste répartition des coûts, entre les entreprises de taille et de moyens différents et entre les secteurs d’activité.
Il est bien dommage que cette initiative ait été rejetée par le peuple, emmené par un Conseil fédéral frileux face à toute idée d’intrusion de l’État dans l’économie. Aujourd’hui, on voit bien que l’économie ne peut garantir la cohésion sociale sans la médiation de l’État. Un projet tel que la LIPA aurait-il davantage de chances aujourd’hui?
Article paru dans le 24h