Deux candidat.e.s Popistes au Conseil d’Etat – interview

 Pourriez-vous vous présentez-vous en deux mots?

CÉLINE MISIEGO Je suis employée de commerce, conseillère politique et députée. C’est grâce à des figures féminines comme l’ancienne Municipale de Renens, Marianne Huguenin, et la députée Christiane Jaquet-Berger que j’ai adhéré au POP, il y a une dizaine d’années. Ensuite, j’ai été secrétaire cantonale du POP jusqu’en 2016.

VINCENT KELLER Je suis enseignant en informatique dans un gymnase, auparavant, j’ai été chercheur à l’EPFL. J’ai adhéré au POP en 1991 grâce à l’ancien conseiller national, Josef Zisyadis d’une part et de l’autre parce que mes parents en étaient membres. Depuis tout petit, je baigne dans ce milieu. Et comme Céline, je suis député.

C.M. Il est important de soulever que nous avons deux profils différents et très complémentaires. Il est universitaire, moi pas, il est papa, moi je n’ai pas d’enfant, il est hétéro, moi homosexuelle. Dans notre façon de prendre la parole au Grand Conseil on est très différent. Lui est caustique et piquant et moi, j’essaie d’être plus synthétique.

Dans vos thèmes de campagne vous proposez la gratuité de transports publics?

C.M. C’est le cheval de bataille du POP. On vient de déposer une initiative populaire cantonale sur ce sujet, dont la récolte a été extrêmement facile.

V.K. J’ai toujours été un anti-voiture convaincu et n’ai pas de permis de conduire. Une des premières actions que nous avions lancées avec les jeunesses popistes que j’ai recréées en 1991-92, c’était une pétition pour les transports publics gratuits à Lausanne. Un ou deux ans après, on avait monté une opération de billets de resquille pour la campagne de Zisyadis au Conseil d’Etat. C’est un combat ancien du POP, qui est à la fois social et écologique, social pour diminuer les dépenses des familles et écologique puisqu’il y a aura un transfert modal, en diminuant la part d’utilisation des véhicules individuels. En 2020, le Grand Conseil a balayé l’initiative que j’avais déposée sur le sujet. Elle n’a été soutenue que par notre groupe et celui des Libres, plus par quelques petites voix éparses des PS-Verts.

C.M. Le succès de l’initiative lors de la récolte de signature qui vient de s’achever, montre que les PS-Verts sont déconnectés de la population sur ce sujet

Vous revenez avec l’idée d’un taux unique d’imposition des communes…

V.K. Le taux unique est aussi un vieux combat du POP, qui est né du constat du dumping fiscal entre les cantons, existant aussi entre communes dans notre canton. En 2000, notre ancien député Jean-Paul Dudt déposait une initiative parlementaire sur ce sujet. Ça a donné lieu à ETACOM: une redistribution des points d’impôt entre les communes et les cantons. Aujourd’hui 20 après, on voit qu’il n’y a aucune amélioration, il y a toujours un dumping qui persiste. Par exemple, la commune, qui a le taux d’imposition le plus bas dans le canton est Eclepens, pourquoi? Parce qu’il y a Holcim. Est-ce normal que cette commune ait le plus bas taux juste parce qu’il y a cette entreprise? Avec des taux très bas, les communes attirent les bons contribuables. On peut faire croire aux gens que les communes, qui ont un taux d’imposition bas, sont mieux gérées, mais tout le monde sait que ce n’est pas vrai: la réalité est que la valeur du point d’impôt par habitant est plus élevée. C’est cela qui est injuste. Ce n’est pas une question de bien ou mal gérer l’argent. Avant de rediscuter d’une nouvelle péréquation verticale, on règle d’abord la péréquation horizontale, donc on règle d’abord la répartition entre les communes. Nous demandons que chaque commune ait un taux identique, ce qui correspond à un taux d’impôt communal moyen pour tout le canton de 68. Et après on verra qui sait bien gérer ou non une commune. A mon tour, j’ai déposé une initiative parlementaire en automne 2020 et elle sera prochainement débattue au Grand Conseil. Cette fois-ci, on est soutenu par le PS, les Verts et les Libres.

C.M. Pourquoi est-il important d’avoir un taux d’imposition commun pour chaque commune? L’impôt sert à financer les services publics, donc il est important que chaque personne habitant le canton puisse avoir accès à des services de qualité indépendamment de la commune où il habite.

Vous défendez un salaire minimum…

C.M. Ça parait tellement évident d’avoir un salaire minimum quand on sait combien coûte un loyer, l’assurance maladie, les transports etc… Comment on peut vivre avec moins de 4000 francs? Actuellement, les personnes mal payées par les patrons, sont des personnes qui vont peut-être demander de l’aide sociale, des subsides à l’assurance maladie et ce sont donc les contribuables qui payent, alors que ce serait à l’employeurs de verser un salaire décent pour éviter ce genre de situation

Vous voulez inscrire dans la constitution le CHUV et les hôpitaux vaudois…

V.K. Le CHUV est le seul hôpital public du canton, parce que c’est le seul où la direction qui le gère en réfère directement à la Conseillère d’Etat en charge de la santé publique. Cela, la droite ne le supporte pas. Elle voudrait transformer le CHUV, qui est un établissement entièrement de droit public, en un établissement autonome de droit public, comme l’hôpital Riviera Chablais. Mais la droite n’y arrive pas. Pour contrebalancer ce projet, notre groupe au Grand Conseil voulait aller à l’exact opposé, en proposant que le CHUV et tous les hôpitaux vaudois soient inscrits dans la Constitution vaudoise. Parce que la santé ne doit pas se monétiser. Avec cette proposition, nous avons été précurseurs

C.M. Le CHUV hôpital 100% public est un des meilleurs hôpitaux du monde. Et la qualité de formation au CHUV est excellente. Malheureusement la formation ne suit pas, nous manquons de personnel infirmier qualifié. Il est certain qu’en améliorant les conditions de travail (donc en augmentant la dotation en personnel), ainsi qu’en augmentant la rémunération (les personnes diplômées de la HES de santé sont les moins bien rémunérées de toutes les HES), nous résoudrons une grande partie de ce problème. Il est donc important de garder un bon hôpital. De plus, on est moins bien soigné dans le privé qu’au CHUV, là où il y a les meilleurs médecins. Enfin, dans les hôpitaux privés, le personnel est moins bien  traité et plus mal payé que dans le public.

V.K. Le CHUV est à flux tendu, des infirmières il n’y en a pas assez, elles ne sont pas bien payées… Il a fallu se battre, que Madame Ruiz (Conseillère d’Etat, socialiste, ndlr) se fasse taper sur les doigts pour qu’elle mette quelques centaines de francs de plus pour les infirmières. Mais notre groupe au Grand Conseil a été bien plus loin, en disant: il y a les infirmiers et infirmières, mais aussi tous les autres employés, les cuisiniers, les nettoyeurs, ceux qui désinfectent, etc… Malheureusement le Grand Conseil et le Conseil d’Etat se sont concentrés uniquement sur les infirmières et infirmiers, parce qu’il y avait l’initiative des soins infirmiers. Moi ça me pose un problème, on aurait dû donner une prime de risque à l’ensemble du personnel comme on l’a demandé au Grand Conseil. On doit aussi dire que le Canton de Vaud n’a pas voulu mettre les moyens pour former suffisamment de personnel médical, parce qu’on se retrouve toujours avec ce deal PS-PLR: on ne dépense pas trop et en contrepartie, vous ne baissez pas les impôts.

Qu’est-ce qui vous démarque des autres candidats, notamment à gauche?

V.K. Avec la droite, c’est évident, on ne partage pas du tout la même vision de société, eux prônent une société méritocratique, où dès qu’on est au sommet, on a certains droits. Nous, on place l’humain d’abord. Par rapport à la gauche, après sept ans de Grand conseil, je vois bien ce fragile équilibre entre PS-PLR et maintenant avec les Vert.es. Leur but est de garder les choses comme elles sont actuellement, il n’y a pas plus d’ambition que ça. Le PS peut bien discuter avec la droite puisqu’il arrive à se mettre d’accord avec elle depuis tellement longtemps. Avec nos candidatures, le POP présente un ticket qui est sérieux, qui ne tombe pas de nulle part, parce qu’on a envie de présenter à la population des vraies idées de gauche sans compromis avec la droite.

C.M. Je rajouterai qu’on est les seuls à défendre un discours anticapitaliste au Grand Conseil et je ne parle pas du Conseil d’Etat, où on peine à percevoir une majorité à gauche. Par contre, au Grand Conseil, on perçoit très bien qu’il y a une majorité à droite, d’où notre difficulté à faire passer certains projets. Si la majorité du Grand Conseil changeait, ce serait mieux pour nous, particulièrement si la gauche de la gauche se renforçait.

V.K. Je suis parfois plutôt pour des ruptures majeures… Je suis de plus en plus convaincu que la politique des petits pas à la PS ne mène à rien, car la droite joue avec ça. Je te donne ceci et en retour tu me donnes cela, finalement on fait un petit pas en avant et un plus petit pas en arrière, on avance, mais de vraiment pas grand-chose. Par exemple, la réforme RIE3 était clairement un deal entre Pierre-Yves Maillard et ces petites avancées (qui étaient bien). Si on regarde le gain qu’a eu la droite dans ce marchandage, il est clairement plus grand que ce que Maillard a gagné. La grande différence pour Céline et moi: on est les seuls (avec nos collègues de groupe) à dire que si on est élu, une rupture de collégialité ne nous pose pas de problème. Par contre, ça me poserait un problème de conscience que je ne pourrais pas outrepasser si je devais voter pour un deal comme la RIE3.

Quel bilan tirez-vous de la législature qui arrive à terme pour votre groupe au Grand Conseil?

V.K. Le programme de législature qu’on avait proposé à la population il y a cinq ans a été, à mon avis, parfaitement respecté et on a même été plus loin. On s’est battu sur tout ce qu’on pouvait pour essayer d’améliorer la condition des plus précaires, des ouvriers, de la classe moyenne, parfois avec un véritable succès et parfois avec un échec total comme pour améliorer le budget cantonal, sur plus de transparence en politique ou sur le droit de vote des étrangers. On est clairement le groupe qui a été le plus proactif, on est réellement une force de proposition.

C.M. Je rajouterai que notre groupe vit bien. Les forces à la gauche de la gauche travaillent très bien ensemble, il y a une bonne collaboration et une bonne entente.

Interview réalisée par Christophe Grand, publiée dans Résistance journal du POP Vaud