Postulat : Logement d’abord / Son nom sur la porte

Dans son article 41.e, notre constitution garanti que « toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables »
Nous vivons donc dans un pays où tout le monde devrait avoir le droit de bénéficier d’une habitation avec son nom sur la porte.

Malheureusement dans les faits l’itinérance, sans-abrisme de longue durée, frappe de nombreuses personnes dans notre pays et dans notre canton. Cette forme de précarité consiste à ne pas pouvoir s’établir en un lieu d’habitation pérenne. Ainsi certain.e.s de nos concitoyen.ne.s passent des années, parfois des dizaines, à rechercher un logement stable en naviguant entre des logements sociaux, qui sont toujours mis à disposition pour des durées déterminées, des sous-locations, des pensions, des chambres d’hôtels et des hébergements d’urgence.
Les personnes vivant des situations d’itinérance dans le canton de Vaud ont des profils différents mais vivent généralement tous avec un pouvoir économique faible. Un bas niveau de revenus, parfois couplé à une situation d’endettement rendent ces nombreuses personnes inéligible à l’obtention d’un bail à loyer.

Le marché de l’immobilier et les pratiques spéculatives très courantes dans la branche ont crée une situation de pénurie de logements, surtout de logements abordables, sur le canton de Vaud.
A l’heure actuelle, même des personnes avec des revenus moyens et en situation de solvabilité peinent à obtenir un contrat de bail et les personnes les plus précaires, elles, se voient exclues et spoliées de ce droit fondamentale d’habiter un logement à soi.

L’itinérance a de nombreuses conséquences, à commencer par la très grande difficulté de maintenir ou trouver un emploi. Elle a également des conséquences lourdes sur la santé mentale et somatique des personnes ainsi que sur leur vie sociale et familiale qu’elle abîme toujours et détruit parfois.

Outre ces faits évidents, l’itinérance génère des coûts immenses pour la collectivité, tels que frais de santé, hospitalisation, interventions de prestataires sociaux, interventions d’ordre judiciaires etc…

Pour exemple loger une personne dans un hôtel coûte le double du prix que la collectivité devrait assumer si cette même personne vivait dans son propre appartement.

Pionnière Européenne, la Finlande (mais depuis d’autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord) a mis sur pied dès 2008 un ambitieux programme national de lutte contre le sans-abrisme de longue durée connu sous le nom de « Housing First » et consistant à fournir à des personnes sans logement et survivant dans des situations d’itinérance des habitations à leur nom, ceci sans aucune conditions. Il s’agit dès lors de considérer le logement comme une ressource fondamentale, qui permet à la personne de mieux exercer ses droits et devoirs et de développer son identité. Le logement est en effet fondamental pour trouver une place sociale, tant pour des raisons psychosociales que matérielles et administratives. Cette approche prend donc le contrepied d’une approche “par paliers”, qui espère qu’un hébergement d’urgence permette d’acquérir une stabilité suffisante pour développer les ressources suivantes: emploi, travail stable, intégration sociale etc.

En partant du principe que rien ne doit conditionner l’accès au logement et qu’il est donc la mesure prioritaire à investir, le nombre de personne sans habitation personnelle en Finlande a été divisé par deux en moins de 15 ans. Par ailleurs et sans que cela ne soit fondamentalement le but visé, la situation sociale, sanitaire et économique de ces personnes s’est nettement améliorée pour la majorité d’entre elles. Avec un investissement initial de 240 millions pour construire et racheter des habitations, le gouvernement Finlandais économise depuis 10’000 euros par an et par personne relogée.

Dans le Canton de Vaud plusieurs Fondations comme Le Relai, Le Levant ou l’établissement psycho-social du Rôtillon proposent des projets de Housing First sur le modèle Finlandais. Ce type de prestation interviennent dans le cadre de la filière de soins psychiatrique ou de la filière addictions.

A Lausanne, depuis novembre 2019, un projet d’hébergement de type “Housing first” a été développé à la rue du Simplon à Lausanne grâce à une collaboration entre l’association ALJF et l’association Sleep’In, dans un bâtiment inoccupé en lien avec les projets d’extension de la gare CFF. Dépassant le caractère éphémère et ponctuel de ce projet, une étude de la Haute école de travail social de Lausanne (HETSL) a étudié les répercussions de ce projet de “logement d’abord”, et offre de nouvelles perspectives à la politique cantonale d’hébergement.
Elle met notamment clairement en évidence à quel point l’ensemble des personnes ayant bénéficié de ces logements ont vu leur situation socio-économique s’améliorer (accès à l’emploi, stabilité administrative, relations familiales, santé et soins). La démolition de l’immeuble vient interrompre cette expérience de manière un peu abrupte, transformant l’idée du « nom sur sa porte » en une nouvelle expérience sur des parcours de sans-abrisme de longue durée, les locataires des ces habitations reprenant aujourd’hui leur itinérance après 18 mois de répit. Nous espérons à tout le moins que les locataires pourront trouver une nouvelle solution et mettre à profit les ressources acquises durant ces quelques mois.

Plutôt que d’opposer le modèle du continuum du care par pallier et le logement d’abord, nous pouvons les voir comme complémentaires dans leur démarche et leur public.

Partant de cette expérience très positive et des résultat de la recherche de l’HETSL et afin d’examiner les avantages du logement d’abord pour les usagers.ères et pour la collectivité, le présent postulat demande l’étude d’un ou plusieurs projets pilotes de “logement d’abord”, en coordination avec les acteurs locaux.

Déposé au Grand Conseil le15 juin 2021, par Céline Misiego