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Passée adolescente aux Jeunesses communistes en France, la comédienne et metteure en scène fait voyager son camion-chapiteau, La Barraca, scène mobile de sa compagnie ambulante. Comme le faisait en 1931 le poète et écrivain antifranquiste Federico Gracia Lorca. Entrevue.
Une présentation expresse?
Isabelle Bonillo Je suis franco-suisse, française par mon papa et suisse par ma maman. Vivant depuis longtemps à Lausanne, je suis toutefois plutôt de Genève et la Chaux-de-Fonds. Après avoir fait pas mal de danse, des études de philo à la Sorbonne et un bac musique, j’ai réalisé une formation en théâtre et j’y travaille depuis 37 ans. D’abord comme comédienne. Puis peu à peu, j’ai eu envie de mener mes projets, devenant aussi metteure en scène, auteure de temps à autre. Et productrice avec camion-chapiteau. Mais ce qui me tient le plus à coeur, c’est jouer.
Pourquoi le théâtre?
C’est un peu particulier car mes deux parents sont nés dedans. En fait, je suis un accident du groupe 7 et 8 de l’école de théâtre à Strasbourg. Mes parents me disaient toujours que c’était un métier décevant, insatisfaisant – ce que je ne commence à comprendre que maintenant. Ils ne m’ont jamais empêché d’en faire. Mais ils me disaient «c’est con, tu es bonne à l’école, fait de vraies études, un vrai métier, un métier qui marche mieux que le théâtre». Finalement, je me suis quand même décidée pour la voie théâtrale.
Comment vois-tu l’état actuel du monde culturel?
Le problème avec un monde qui est excessivement capitaliste existe depuis longtemps. Disons qu’après 68, on a eu une sacrée récupération du pouvoir qui ne s’est pas amélioré avec les années. Alors la culture, dans un monde de ce type-là, c’était déjà un problème bien avant la situation aujourd’hui. Il faut bien comprendre que dans un monde comme le nôtre, la culture n’est pas la première valeur marchande à être défendue. Donc, finalement, le Covid pour nous, ce n’est qu’une couche de plus.
Mais encore…
Le problème de nos métiers, ce n’est pas tellement l’artistique, on ne va pas s’empêcher de travailler. Mais c’est bien le problème de la paie, car on n’est jamais rémunéré à hauteur de ce qui est travaillé. Dans un pays aussi riche que la Suisse, il y a énormément d’artistes qui n’ont quasiment pas de LPP, puisque les employeurs peuvent ne pas la payer s’il y a moins de deux mois de salaire. La plupart du temps, nous avons des contrats où elle n’est pas versée, y compris dans les institutions. Ainsi notre vrai grand problème, c’est finalement l’argent qu’il nous faut pour vivre et pouvoir continuer à développer des projets artistiques et créatifs. C’est sûr qu’avec le Covid, cela empire. Mais est-ce étonnant dans un monde où l’humain et le créatif ne sont pas valorisés? Puisque seule la valeur marchande l’est. Enfin, les spectateurs doivent dire ce qu’ils veulent comme culture. Est-ce que Netflix et les écrans est la seule culture souhaitée, ou sont-ils ouverts à d’autres projets? Ceux qui aiment l’art, vont aux musées, aux spectacles ou aiment lire ne se manifestent pas beaucoup. Ce serait bien que les gens se mobilisent pour défendre la culture.
L’Etat soutient-il suffisamment la culture?
Ce ne sont pas les Etats qui sont maîtres d’œuvre, car ils sont dépendants de ceux qui ont plus d’argent qu’eux et des multinationales ayant des intérêts. Maintenant, est-ce que des États capitalistes comme la Suisse vont soutenir la culture alors qu’ils subissent des pressions de multinationales? Je ne le pense pas. C’est évident que nous n’avons pas suffisamment de subventions de la part de l’État de Vaud, de la Confédération et de la Ville de Lausanne. Il faut savoir que les plus grandes subventions pour la culture viennent de la Loterie Suisse Romande. On vit donc grâce à l’addiction des gens aux jeux. Ce ne sont pas les pouvoirs publics qui nous donnent le plus d’argent, c’est quand même un problème.
Peux-tu nous parler de ton expérience personnelle…
En temps de Covid, j’ai fait toutes les demandes d’aides en cas de report, d’annulation, les RHT, les indemnisations de l’État de Vaud, etc. Ce n’est pas suffisant! L’année dernière on a perdu 8000 francs parce que personne n’est indemnisé à 100%. Ce sont ainsi les compagnies de théâtre comme la nôtre qui s’endettent. En 2021, il a déjà fallu remplir deux dossiers d’aide de plus, alors qu’on croule sous les dossiers de demande de fonds pour pouvoir toucher des indemnisations. En tant qu’artiste, on a dû refaire un dossier pour avoir des indemnisations sous forme de bourses. Et un autre comme entreprise culturelle pour un projet de transformation. Les indemnisations ne sont pas données comme ça, c’est du travail en plus alors que l’on n’arrive pas à payer l’investissement notamment administratif fait au quotidien.
Quelles sont les revendications du monde culturel?
Les petits ou les créatifs de base qui fabriquent le spectacle ou une œuvre d’art, sont les moins bien rémunérés, étant en contrat à durée déterminée. Ceci alors que les gens qui sont dans le culturel, au sein de grosses institutions sont payés en fixe avec un 13e salaire. Je n’en ai jamais eu en 37 ans. Que des CDD de deux mois en deux mois, donc il en faut 6 pour faire un an. C’est là tout le problème. Et ce n’est pas faute de travailler assez, alors qu’il y a plein d’endroits qui ne nous rémunèrent pas pour ce que l’on fait. Voici la principale revendication: il faut surtout s’occuper des petits, des créatifs, des artistes, de leurs salaires mal payés.
En Suisse, pas de statut d’intermittent du spectacle. C’est aussi un problème?
Oui. Dès qu’un métier n’a pas de statut c’est problématique. Cela a tout de même progressé. Ainsi, j’avais des copains danseurs, le seul statut qu’ils pouvaient autrefois avoir c’était stripteaseur. Ils peuvent désormais indiquer comme profession, danseur. Mais de manière générale, toujours pas de statut. C’est comme si l’on n’existait pas. Tel est le problème de la Suisse par rapport à la France qui a un statut d’intermittent, même s’il est bancal. Heureusement, nous avons un syndicat. Qui nous défend bien.
Tu fais du théâtre engagé et populaire?
Je suis issue d’une famille, où mes parents ont fait le Théâtre national de Strasbourg juste avant mai 68. C’était du théâtre engagé. Engagé signife se préoccuper de à qui il est destiné, tel est le premier critère. Ensuite, j’ai toujours été engagée dans ce que je fais. Engagée de gauche, c’est-à-dire défendre les plus démunis. Quand je pense à mes projets, je réfléchis quels gens j’aimerais toucher et comment? J’aimerais bien que la culture et le théâtre touchent plus que les simples abonnés qui ne représentent que 5 ou 10% de la population. Ce n’est pas toujours facile, parce qu’ils ne viennent pas et aussi parce qu’il n’y a pas beaucoup de structures qui permettent l’accès à des gens comme ça.
Ton expérience à ce sujet?
J’ai essayé à Lausanne dans des Maisons de quartier. Là, ça allait mieux. Ou en tournée sur le littoral neuchâtelois. Avec la Comédie de Genève dans les quartiers où l’on arrive à toucher d’autres gens qui ne vont pas habituellement au théâtre. Mais ce n’est pas simple. Il faudrait faire un travail de fond beaucoup plus important. Ce qui a été réalisé en France à un moment donné. Cela se sent quand on y joue, même si ça s’est un peu perdu ces dernières années. En Suisse, c’est plus compliqué. On doit encore convaincre que la culture est faite pour tous et de sa démocratisation. Il n’y a pas de raison que des gens ne puissent pas y accéder. Ce n’est pas juste une question de choix, mais aussi d’éducation. Si l’on est éduqué à ce genre de culture, on y va plus facilement que si l’on n’y a jamais eu accès. Les personnes de mon entourage qui ne sont jamais venues voir cette culture sont généralement contentes d’y
accéder. Donc, je me dis qu’il ne faut pas les rater.
Tu as aussi des engagements au sein du POP, pourquoi ce choix?
En France, adolescente, j’ai été engagée aux Jeunesses Communistes, à l’avant-garde. Ensuite, j’ai toujours été sympathisante PCF, mon père l’était clairement. Quand je suis arrivée en Suisse, c’était la suite logique que mon engagement se fasse auprès du POP. Parce qu’ils sont les seuls à défendre les plus démunis, que l’on ne peut résoudre la crise écologique sans s’attaquer aux problèmes économiques, et qu’on ne peut les régler sans s’attaquer aux grandes entreprises. Celles-ci préfèrent faire du fric plutôt que défendre le bien commun. On doit clairement contrer la société dans laquelle nous sommes, on peut plus se permettre de dire je ne sais pas, il faut être clair! Maintenant, j’ai envie de m’engager davantage, car j’ai plus de temps.
À l’époque, j’aurais pu rentrer au Conseil communal lausannois, étant dans les viennent-ensuite. Mère célibataire, seule avec ma fille sans pension alimentaire et mon métier très irrégulier, j’ai finalement renoncé. Je me suis dit que ce n’était pas sérieux, si je ne participais pas régulièrement aux séances. A mon âge, j’ai moins peur de m’engager publiquement comme artiste. Cela a désormais moins de conséquences sur ma vie artistique, où l’on n’aurait pu me refuser des subventions à cause de mes engagements politiques. L’autocensure existe dans l’art pour des raisons de survie.
Article publié dans le journal Résistance propos recueillis par Christophe Grand
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