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Sous crise pandémique, des réseaux de solidarité ont surgi des failles du système de l’action sociale. Des actions développées dans la commune de Renens pourraient être un laboratoire de nouvelles perspectives.
La première mobilisation a visé à pallier l’absence de revenus des travailleurs et travailleuses précaires et des personnes sans statut légal. Ces personnes vivent en Suisse. Elles sont insérées dans des réseaux informels et font leur existence au fil d’emplois précaires, de ménages ou de chantiers, et de soutiens locaux. Elles font fonctionner l’économie alors qu’elles n’ont peu ou pas d’identité administrative, au sens où le veut la possession d’un statut de séjour et, avec lui, de droits sociaux.
Dispositifs bricolés dans l’urgence
Cette réalité est apparue soudainement au grand jour, notamment à travers l’émergence de files d’attente devant des lieux assurant une distribution de nourriture. Les associations caritatives se sont appuyées sur les fonds récoltés par leurs propres moyens et ceux de la Chaîne du bonheur. Elles ont créé des dispositifs de fortune pour répartir au mieux les fonds (limités) à disposition. A Renens, le tissu associatif, notamment le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers et la Pastorale de la rue, a permis d’agir rapidement, à l’échelle du district, pour soutenir plus de 150 personnes.
La seconde mobilisation s’est déployée dans des lieux d’accueil. La Ville de Lausanne a mis en place des hébergements d’urgence pour les sans-abri, de jour et de nuit, afin de limiter les regroupements des personnes sans logement. La ville de Renens s’est proposée en renfort et a mis sur pied un accueil de jour. On y sert des repas et plusieurs dizaines de bénévoles se relayent pour accueillir les gens. Les personnes sans-abri, cibles de cet accueil de jour, ne sont pas les seules à venir. D’autres le font, comme les personnes usagères des activités habituellement proposées par les associations caritatives locales, stoppées net par la menace d’une contamination.
Rencontres singulières
L’accueil de Renens voit arriver progressivement près d’une trentaine de personnes. Les bénévoles qui s’y relaient fuient la solitude du télétravail, le décalage entre l’inactivité forcée et le sentiment d’urgence. Au fil des jours, l’accueil devient le théâtre de rencontres entre des populations qui, habituellement, ne se rencontrent pas. Les parcours de vie défilent: existences marquées par le travail précaire, conditions d’hébergement insoutenables, parcours de détenu.e.s, résignation, enfermement familial ou solitude. En outre, la frontière entre bénévoles et bénéficiaires est poreuse, laissant les un.e.s et les autres libres de la franchir.
En juin, la vie reprend. Les bénévoles se raréfient. On passe à un repas par semaine. Il reste néanmoins le goût de l’expérience. En fait, ces personnes accueillies dans ces centres bricolés en urgence manifestent un besoin qui était là avant et qui pose un défi à l’action sociale. D’une part, des zones de non-droit sont clairement apparues. D’autre part, certain.e.s bénéficiaires de services sociaux semblent s’y sentir coincé.e.s comme dans des giratoires sans sortie.
Pendant le confinement, ces personnes ont bénéficié d’un espace-temps où les frontières entre catégories sociales se sont amenuisées. Ces deux groupes, qui ne sont nullement homogènes, posent différents dilemmes aux représentant.e.s des politiques locales qui les côtoient. Leur action, souvent conditionnée par des critères institutionnels et légaux, est limitée. Elle est aussi complexe: inclure toutes les personnes qui vivent ici, même celles qui le font clandestinement; reconnaître le parcours de chacun.e et leur offrir une réelle «prise en compte» plutôt qu’une prise en charge; répondre aux urgences, mais privilégier l’inclusion plutôt que la charité.
La perspective de faire société
Comment donner un sens à ces expériences rendues possibles par la crise du Covid? «Prolonger en temps de paix la solidarité du temps de guerre»: cette citation de Pierre Laroque (ancien directeur de la sécurité sociale de 1944 à 1951 en France, ndlr), à replacer dans le contexte de la création de la sécurité sociale en France, résume bien le propos. La crise du Covid a montré la nécessité de «faire société» pour les acteurs et actrices locales. La présence forte d’une solidarité s’est exprimée d’autant plus que le rythme qui définit habituellement nos existences a laissé de la place à d’autres manières de faire.
Comment poursuivre l’expérience au-delà de la crise? Pourrait-on imaginer de nouvelles formes de systèmes sociaux, plus ancrées dans le local, plus en mesure d’en montrer la réalité? Agir pour faire coïncider les besoins et les réponses? Ce qui, en temps normal, représente un dilemme pour les acteurs et actrices des politiques locales est devenu, le temps de la crise, une évidence. Faire société, c’est inclure tout le monde. C’est la leçon à tirer de ces expériences, bien réelles, qui constituent le socle d’une perspective à créer.
Par Karine Clerc, chargée d’enseignement à la HETSL (HES-SO), conseillère municipale Enfance et cohésion sociale, Renens.
Tiré du dossier «Travail social et Covid-19» coordonné par la Haute école de travail social Fribourg et REISO. www.reiso.org/articles/themes/covid-19/6539-les-effets-miroir
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