Pour en finir avec l’impunité des insultes homophobes

En Suisse il est possible d’insulter la communauté homosexuelle en toute impunité.. Cela doit cesser !

Le 9 février prochain, les citoyennes et citoyens suisses auront à voter sur l’interdiction de la discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Il est extrêmement difficile d’écrire un article pour soutenir cette votation tant il est évident pour nous que toutes les personnes doivent être protégées des discriminations qu’elles pourraient subir. Presque aussi évident que le meurtre est un crime, à vrai dire. Or, le fait de tenir des propos homophobes en termes généraux n’est pas encore un crime dans notre pays. Et le mal se répand jusque dans le débat : durant cette campagne, les différentes associations, militantes et militants ont reçu un nombre important d’insultes homophobes et ne peuvent pas porter plainte, car la Loi ne le permet pas encore.

En somme, aujourd’hui, tant qu’une personne insulte l’entier de la communauté homosexuelle, elle ne pourra pas être réprimandée au sens de la loi actuelle. Pour pouvoir porter plainte il faut donc que l’insulte soit directement adressée, et encore, le caractère homophobe de l’injure ne pourra pas être retenu. Il y a donc clairement un problème ! Pour nous en tout cas, car pour les opposant.e.s pas de problème, circulez n’y a rien à voir. Pire, pour elles et eux le problème viendrait de l’ajout de cette norme pénale puisqu’elle porterait préjudice à … la liberté d’expression ! Car oui, pour les opposant.e.s, tenir des propos injurieux envers la communauté homosexuelle relève de la liberté d’expression.

Il parait donc important de rappeler ce qu’est la liberté d’expression. Celle-ci est définie par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui stipule que « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » Cependant plusieurs limites à la liberté d’expression ont été adoptée par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment lorsque cela porte atteinte à : « la protection des personnes et des droits de la personnalité : la diffamation l’injure, l’atteinte à la vie privée, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence… » Ou pour faire plus simple, la liberté des uns et des unes s’arrête là où commence celle des autres…

Alors bien sûr en tant que lesbiennes nous sommes choquées de voir que certaines personnes revendiquent le fait de pouvoir nous insulter en toute impunité. Mais en prenant connaissance des opinions des opposant.e.s à ce référendum, quelque chose nous a encore plus choqué… On entend souvent dans le contre-argumentaire qu’il serait dommage de faire des homosexuel.es une « minorité faible qu’il faudrait défendre ».

Cette pirouette argumentaire prend le problème à l’envers en insinuant que la Loi influerait sur l’opinion que les citoyen.ne.s ont des minorités. Or, loi ou pas, les discriminations existent et font des ravages dans notre société. La Suisse est loin d’être un exemple d’ouverture d’esprit, de camaraderie et de partage. La Suisse, lorsqu’il s’agit de voter en faveur (ou pas) des minorités, est malheureusement un pays ou l’entre-soi est roi et ou l’acceptation de l’autre est toujours difficile. Preuve en est les chiffres éloquents de l’association Stop Suicide Suisse :

  • Les jeunes LGB ont 2 à 5 fois plus de risque de se suicider que les jeunes hétérosexuel-le-s(Häu-sermann 2014,p.9 ;Descuves et Berrut2013, p.35).
  • La période du coming out (entre 14 et 17 ans) est celle ou le risque suicidaire est le plus élevé, particulièrement le moment de la première annonce à l’entourage (Häusermann 2014, p. 9).
  • Pour les jeunes gays, 50% des premières tentatives se produisent avant l’âge de 20 ans (Häusermann 2014, p. 9).
  • 74% des premières tentatives de suicide parmi les jeunes lesbiennes ont lieu avant l’âge de 20 ans, 43% entre 14 et 16 ans (Descuves et Berrut 2013, p. 35).
  • Ce sont les jeunes de moins de 25 ans qui sont le plus victimes d’actes homophobes (Häusermann 2014, p. 9).

Comme les opposant.e.s, certaines personnes pensent peut-être que cette Loi est inutile ; et pour être honnêtes, on souhaiterait de tout notre cœur qu’elle le soit. Malheureusement, nous homosexuel.e.s, savons que cette loi nous sera nécessaire. Nous homosexuel.e.s savons également qu’il aurait fallu inclure l’entier de la communauté LGBTIQ+ et nous serons à leur côté pour élargir cette norme afin de défendre chaque individu qui souhaite simplement vivre son amour en toute sérénité.

Céline et Sophia Misiego