Répression des mouvements sociaux : les manifestantes et manifestants ont droit à d’autres réponses que celle de la matraque !

Interpellation urgente déposée le 28.01.2020

Vendredi 17 janvier 2020, les militantes et militants de la Grève du climat organisaient une nouvelle journée de grève scolaire ainsi qu’une manifestation dans les rues de Lausanne. Le collectif mobilisait à cette occasion des milliers de personnes dans les rues de la capitale vaudoise. Ils et elles faisaient ainsi la démonstration que la lutte écologiste entamée l’an dernier continue de mobiliser très largement. Malgré son organisation annoncée et le caractère pacifique et jovial de son déroulement, cet événement a été d’emblée entaché d’un usage à l’évidence excessif de la force par la police lausannoise.

Une vidéo très médiatisée montre un agent de police propulser violemment à terre une jeune manifestante, au milieu de la place de la gare. De toute évidence, elle aurait pu subir des lésions graves. Intervention disproportionnée, ce geste survient alors qu’une dizaine de policiers-ères lausannois-e-s cherchaient à exfiltrer du cortège un groupe de manifestant-e-s, visiblement pour la seule raison qu’ils et elles avaient le visage couvert. D’autres enregistrements, ainsi que divers témoignages, laissent à penser que l’escalade de tensions qui s’en est suivie aurait pu être évitée, si la police n’avait pas effectué cette manœuvre.

Pour séparer la douzaine de manifestant-e-s aux visages recouverts du reste du cortège, la police lausannoise les a compressé-e-s avec force contre une barrière métallique, ceci durant plusieurs dizaines de minutes. Placé-e-s en situation de pression physique et psychologique, les tensions montent fatalement. Pacifiques, les manifestant-e-s ont demandé soit à pouvoir quitter la manifestation, soit à pouvoir y participer à condition de se découvrir le visage. Les deux options leur ont été refusées.  Ces manifestant-e-s ont contesté leur immobilisation et des centaines de personnes présentes se sont mises à protester verbalement contre des pratiques perçues comme abusives.

Dans la cohue générale, la police a ensuite procédé à plusieurs interpellations et arrestations. Certain-e-s militant-e-s au visage recouvert ont été arrêté-e-s, d’autres non. Certain-e-s témoins de la scène ont été emmené-e-s au poste du fait qu’ils protestaient contre les violences policières, d’autres non. Au poste de police – au sein duquel des personnes sont restées enfermées durant une dizaine d’heures, donc bien au-delà de la fin de la manifestation ! – des personnes témoignent avoir subi des humiliations et des intimidations, voire des critiques relatives à leurs opinions politiques, ceci en particulier lors des fouilles. Certain-e-s affirment aussi s’être vu retirer le matelas de leur cellule. De surcroît, une partie de celles et ceux qui ont été interpellés (quelle condamnation ? Elles sont accusées ou condamnées ?) sont accusé-e-s de violences et menaces qualifiées à l’encontre des agent-e-s de police, alors qu’aucun des nombreux enregistrements publiés ne corrobore ces allégations. Enfin, plusieurs personnes affirment également avoir reçu l’information mensongère, de la part d’agent-e-s de police, qu’il ne pourrait pas être fait recours contre ce type de décision.

Si ces faits étaient confirmés, les soussigné-e-s estiment qu’ils seraient totalement disproportionnés, par rapport aux supposées violations de la loi. Ces faits s’inscrivent dans la continuité d’un durcissement de la répression des forces de polices lausannoises, durcissement constaté lors de précédents événements organisés par les mouvements écologistes et, également, par les mouvements féministes issus de la grève du 14 juin 2019. On peut notamment rappeler : les humiliations et violences dénoncées par des militant-e-s du collectif Extinction Rebellion en juillet 2019 ; les guet-apens et arrestations musclées lors de la manifestations du 27 septembre à Lausanne ; la répression disproportionnée de l’occupation pacifique de la rue Centrale le 14 décembre, dont le point d’orgue a été l’arrestation d’un militant écologiste alors qu’il discutait avec le référent de la police lausannoise. Pour le cas de la grève féministe, on peut citer le fait que plusieurs militantes ont été interpellées la nuit du 24 novembre, à l’occasion d’une action de collage pour dénoncer les féminicides, dans le cadre de la journée contre les violences sexistes. Toutes ont été amendées et témoignent avoir subi intimidations, menaces et humiliations de la part de policiers durant leur interpellation.

Ce climat répressif et d’intimidations à l’égard des manifestant-e-s n’est pas acceptable et les pratiques policière qui en découlent doivent cesser immédiatement ! Dès lors qu’il survient dans une situation politique et sociale nouvelle par l’aspect massif des mobilisations qui animent la capitale vaudoise depuis l’année 2019, les soussigné-e-s s’interrogent sur les liens existants entre, d’une part, la réussite sans égal de ces mobilisations et, d’autre part, la répression policière qui les frappe. C’est à croire que les autorités lausannoises voient ces mouvements comme une menace et n’aurait d’autre réponse à lui apporter que celle de la matraque…

Le Conseil communal de Lausanne a déjà interpellé, en septembre 2019, la Municipalité sur les problématiques exposées ci-dessus. Le corps délibérant avait alors voté une résolution qui demandait à la Municipalité de veiller à ce que la police fasse preuve de proportionnalité et d’impartialité dans son travail d’encadrement des mobilisations à venir. Par suite, la justice a donné raison aux militant-e-s écologistes enfreignant la loi en vertu de l’état de nécessité que revêt l’urgence climatique. Constatant que la Municipalité n’a pas pris en considération ces éléments et ne modifie pas ses pratiques de répressions policières, sachant que de nouvelles actions et manifestations vont avoir lieu dans un futur proche et soucieux-ses qu’elles aient lieu dans un contexte pacifique et propice à la libre expression démocratique des opinions politiques de chacune et chacun, les soussigné-e-s adressent les questions suivantes à la Municipalité :

  • La Municipalité corrobore-t-elle les faits relatés ci-dessus ? Que peut-elle dire, en particulier, des enregistrements audiovisuels diffusés par la presse, montrant des policiers lausannois rudoyer des manifestant-e-s visiblement pacifiques ?
  • Une procédure disciplinaire a-t-elle été ouverte contre le policier ayant projeté violemment une manifestante au sol ?
  • De manière générale, la Municipalité a-t-elle changé ses pratiques d’encadrement des manifestations se déroulant sur son territoire par les forces de polices, depuis le début des mobilisations pour le climat en 2018 ? Si oui, de quelle façon ?
  • Quelles étaient les directives adressées par la Municipalité à sa police, pour l’encadrement de la manifestation du 17 janvier 2020 ?
  • La Municipalité estime-t-elle que la police ait respecté ces directives ? La Municipalité estime-t-elle que la police ait fait preuve de proportionnalité lors de la manifestation du 17 janvier ?
  • Combien de personnes ont été exfiltrées de la manifestations du 17 janvier et quelles furent les raisons invoquées pour les exclure du cortège ?
  • Combien de personnes ont été interpellées, respectivement arrêtées, et quels furent les motifs invoqués pour procéder à ces arrestations ?
  • La Municipalité ne pense-t-elle pas que le jugement rendu le 13 janvier à Renens doit l’inviter à enjoindre la police lausannoise de faire preuve de plus de retenue lors de l’encadrement des manifestations de rue ?
  • Comment la Municipalité envisage-t-elle le déroulement des futures mobilisations massives qui se dérouleront prochainement sur son territoire, en particulier les prochaines marches pour le climat et les manifestations féministes des 8 mars et 14 juin prochain ?
  • Quelles réponses la Municipalité entend-elle apporter, à son niveau, aux revendications qui poussent des dizaines de milliers de ses administré-e-s à descendre régulièrement dans la rue depuis plus d’un an ?

Les soussigné-e-s remercient par avance les membres du Conseil municipal pour leur réponse.