Interpellation urgente du groupe Ensemble à Gauche

Titre : Rapport critique sur la politique de lutte contre le deal à Lausanne : quelles mesures correctives ?

Le 26 février 2019, la Municipalité communiquait la publication d’une étude comparative entre les villes de Lausanne, Berne et Zürich sur le deal de rue. Ses conclusions reprises par les médias 24h et rts.ch sont peu flatteuses pour la ville de Lausanne. L’étude tire, en effet, un bilan critique du dispositif que la Municipalité a nouvellement mis en place, constat qui devrait amener la municipalité à prendre de manière urgente des mesures correctives si elle entend lutter efficacement contre le deal de rue, sans gaspiller des deniers publics1.

L’étude dont il est fait mention est signée par l’École des sciences criminelles de l’Université de Lausanne ainsi que par Addiction Suisse. Elle reconnaît que le « disposif ilôtier » mis en place à Lausanne depuis juin 2018, consistant en une présence accrue de policiers en uniforme dans les six « hots spots » identifiés de 8h00 à 22h00 (porté à 23h00 récemment), peut perturber à court terme le deal de rue en le déplaçant spatialement et temporellement et en diminuant la visibilité du deal de rue en journée dans les quartiers spécifiquement visés. Toutefois, les limites intrinsèques de ce dispositif sont soulignées par les auteurs et font largement écho aux critiques émises par le groupe Ensemble à Gauche dans le cadre du dépôt de l’interpellation urgente « gestion du deal de rue : la municipalité n’apprend-elle donc rien de ses erreurs passées ? » du 10 juin 2018 :

  1. Le nouveau dispositif contre le deal de rue instauré par la Ville de Lausanne depuis juin 2018 se concentre exclusivement sur la dissuasion du deal et sur les “schémas répressifs traditionnels” pour préserver l’espace public, et n’inclut pas des mesures de prise en charge active des consommateurs par le biais de mesures centrées sur la prévention et le réduction des risques;

  2. Le risque existe que les ressources massives que doivent investir la police pour maintenir ce dispositif péjore les autres missions de la police, conduisent à des sous-investissements ailleurs et mènent in fine à une résurgence de problèmes de criminalité que l’on croyait sous contrôle.

  3. La comparaison avec les villes de Zürich et Berne pointe l’absence cruelle à Lausanne d’une coordination entre les services et à l’intérieur des services concernés principalement les services de police [direction sécurité et économie], les services sociaux [direction sport et cohésion sociale], et la santé et prévention en milieu scolaire [direction enfance, jeunesse et quartiers])

  4. Alors que Zürich et Berne ont mis en place des équipes de travailleurs sociaux de rue travaillant en coordination avec des unités policières spécialisées et avec des structures sociales telles que les espaces de consommation sécurisés et les offres d’hébergements à bas seuil, le dispositif nouvellement mis en place à Lausanne n’implique que les forces de police traditionnelles, pour qui le travail de proximité et l’occupation de l’espace public ne sont pas des tâches nécessairement reconnues comme étant prioritairement de leur ressort. Et faut-il le rappeler, Lausanne n’emploie à l’heure actuelle que quatre travailleurs sociaux hors murs pour l’ensemble de son territoire.

  5. Le micro-deal à l’intérieur des espaces de consommation sécurisés est reconnu comme une mesure efficace à Berne comme à Zürich pour réguler et contrôler le trafic de stupéfiants, mais n’est pas considéré à ce stade à Lausanne.

La municipalité, qui a le mérite d’avoir commandité cette étude externe, semble avoir pris acte de ce diagnostic sévère pour Lausanne et promet, dans son communiqué de presse, d’étudier les pistes mentionnées dans les conclusions et de réfléchir aux moyens d’accroître les collaborations interservices. Cette déclaration d’intention encore vague sur un sujet de santé publique majeur qui touche aux premiers lieux les citoyens lausannois nous amène à demander les précisions suivantes quant à la position de la Municipalité et aux mesures correctives urgentes qu’elle pourrait mettre en place:

  1. Quel regard porte la Municipalité sur la critique émanant du rapport quant au fait que son nouveau dispositif de lutte contre le deal de rue serait uniquement répressif et négligerait la coordination avec les aspects de prise en charge des consommateurs et de réduction des risques ?

  2. Comment la Municipalité compte-t-elle prendre en compte la critique issue du rapport que les nouvelles missions d’occupation de l’espace public assignées à la police ne correspondent pas à la vision du travail policier dans le corps de police lausannois et induisent le risque d’une sous-dotation de ressources dans les autres missions stratégiques du corps de police ?

  3. La Municipalité est-elle prête à réfléchir à la reconstitution d’une unité d’intervention sociale constituée de travailleurs sociaux et venant complémenter ou décharger les missions de la police ?

  4. La Municipalité a-t-elle déjà réfléchi au rôle que pourraient jouer les correspondants de nuit ainsi que les travailleurs sociaux hors murs, actuellement largement sous-dotés en ressources humaines dans l’amélioration du dispositif lausannois de lutte contre le deal de rue ?

  5. La Municipalité envisage-t-elle une augmentation des ressources humaines dans les services socio-sanitaires concernés par la problématique du deal de rue, comparable à celle qui a été accordée à la police ?

  6. Quel est l’avis de la Municipalité sur l’opportunité de suivre les expériences bernoises et zurichoises sur une gestion tolérante du deal au sein d’espaces de consommation ?

  7. La Municipalité peut-elle décrire avec précision ce qu’elle entend changer au dispositif actuel de lutte contre le deal suite à la publication de cette étude montrant les limites de la pratique lausannoise en la matière ?

  8. Quel serait l’impact sur le budget des mesures correctives que la Municipalité entend mettre en place ? S’agirait-il d’une nouvelle distribution du budget prévu pour le nouveau dispositif de lutte contre le deal de rue ou d’une augmentation du budget prévu pour les acteurs socio-sanitaires concernés par la problématique du deal de rue ?

Lausanne, le 12 mars 2019

L’initiant/l’initiante :
Johan Dupuis
Laura Manzoni
et consorts

1 D’après les informations fournies par la police de Lausanne, le nouveau dispositif mis en place depuis juin 2018 reposant sur une vingtaine d’EPT coûte environ 2.9 millions supplémentaires par années. La lutte contre le deal de rue prendrait l’équivalent de 40 EPT, soit 5.8 millions annuellement et ce uniquement en termes de ressources humaines.