Travail et robots

Les robots, de plus en plus, secondent les humains dans leur travail, quand ils ne prennent pas carrément leur place. Si elle continue sous sa forme actuelle, cette évolution peut devenir inquiétante.

Aujourd’hui en effet, lorsqu’une machine vient se substituer à un humain, ce dernier court le risque d’être mis au rebut, de perdre sa place et son salaire. La révolution industrielle du 19ème siècle avait certes détruit des emplois, elle en avait aussi créé de nouveaux. Il semble que ce ne sera pas le cas de la révolution numérique. On peut donc craindre de voir naître un monde peuplé de chômeurs, remplacés par des machines, et condamnés à l’indigence, tandis que la richesse produite grâce à l’automatisation tombera, en bonne logique libérale, dans la poche des actionnaires.

Au lieu de soulager l’homme, le robot contribuerait à augmenter la concentration des richesses et du pouvoir dans les mains d’une petite minorité, tout en réduisant à la misère le reste de l’humanité.

Exactement le contraire de ce dont on pourrait rêver !

Le bon sens commanderait pourtant de répartir le travail, et d’en partager les bénéfices.

Ne serait-il pas normal, par exemple, que la caissière de mon supermarché tire avantage de son remplacement par une caisse automatique, en travaillant moins tout en continuant de toucher son salaire ? Les profits de l’entreprise, que je sache, sont restés les mêmes, ou ont augmenté, suite à son licenciement !

Normal que le conducteur du métro, la secrétaire, le correcteur du journal mis à l’écart, puissent jouir de plus de loisirs sans être précarisés ?

Normal que tout humain délogé par une machine touche les bénéfices que celle-ci engendre !

Bien sûr, «partager», «répartir», sont des mots qui donnent de l’urticaire aux adeptes du néolibéralisme ! Qu’importe. Il faut de toute urgence décréter que la force de travail des robots doit être au service de l’humanité entière, plutôt que de ne profiter qu’à quelques-uns !

Le magnifique auteur de science-fiction qu’était Isaac Asimov1 a, dans ses romans, formulé ses «Trois lois de la robotique»:

1 Un robot ne peut porter atteinte à un être humain, ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.

2 Un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi.

3 Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

En se rappelant que priver quelqu’un de son travail c’est évidemment lui «porter atteinte», il serait temps de songer à programmer nos machines de telle sorte que, respectant les lois d’Asimov, elles soient toujours au service de l’humain, et jamais en concurrence avec lui.

…tout en gardant en mémoire cette imparable réflexion d’un ancien président d’Haïti: «Le travail n’est pas une bonne chose: si ça l’était, les riches l’auraient accaparé.»

Michel Bühler

1 Ecrivain américain d’origine russe, 1920 – 1992.

Article du Résistance n° 107