Marchandisation de l’université

Le mot « université » voit son origine dans le latin universitas, un mot qui signifie universalité, pluralité mais aussi communauté et qui montre très bien l’origine et le vrai but des universités. Notre engagement dans ce contexte, en tant que jeunes militantes de gauche, est visé vers une prise de conscience des étudiant-e-s, et donc des futur-e-s travailleuses/eurs, sur leur apport concret dans la construction de notre société.

Gianfranco Cavalli
Jeunes POP Vaud

Dès ses origines l’université était donc un lieu de partage et de développement des connaissances, où l’action de découvrir passait à travers la confrontation dialectique dans les divergences que la pluralité de ses membres pouvait apporter.

Cette présentation extemporanée de l’université est loin d’être réelle aujourd’hui, en Europe occidentale la politique néo-libérale a transformé la formation en un produit rentable, et la Suisse n’a pas été exclue de cette évolution.

On peut dans ces dernières années, si on a un regard global de la situation, voir une ligne politique très claire entre toutes les réformes universitaires vécues ces dernières décennies au niveau national.

Un chemin se manifeste très clairement, l’idée de transformer la Suisse en un pays producteur d’un côté de main d’œuvre hautement qualifiée, surtout dans des secteurs tel que l’ingénierie, la bio-chimie et les services du secteur tertiaire, et de l’autre un marché du travail avec des ouvrières sous-payées, flexibles et désaffiliées.

Les mesures mises en place pour atteindre ce but sont :

Les attaques portés régulièrement par les administrations cantonales contre les bourses d’études, diminuées ou parfois transformés en prêts discriminatoires.

La prolifération des écoles et des universités privées, financées directement ou indirectement par les autorités cantonales.

L’augmentation des taxes d’études, trop souvent invoquées comme nécessaires pour garder une soi-disant « qualité », mais qui, en réalité, transforment l’université en un luxe de moins en moins accessible.

Les attaques financières et dévalorisantes portées régulièrement contre les branches humanistes dans les universités.

Cette stratégie malsaine a une démarche très bien coordonnée et ce n’est pas un hasard si la recrudescence des attaques aux écoles publiques s’est manifestée surtout ces dix dernières années. Elle est le résultat d’un rapport de force très favorable pour les forces économiques dominantes face à des étudiant-e-s passablement individualistes et divisés, qui ont donc de la peine à réagir. Mais cette difficulté d’organisation des étudiant-e-s, visible dans les peu de luttes menées pour la défense de ses propres intérêts, est aussi à insérer dans une réalité plus globale.

Le modèle actuel des études, issu du Processus de Bologne de 1998, se base sur une vision très individualiste et classiciste de la société, mettant en concurrence les étudiants entre eux à travers, entre autres, des systèmes d’évaluation quantitatifs et impersonnels. Responsabilisant uniquement les étudiants pour leurs propres échecs en fermant toutes les portes à des possibles remises en question du contenu des études et leur évaluation. On assiste donc à la destruction du concept de liberté académique. Par conséquent, les étudiant-e-s se trouvent aujourd’hui, en particulier celles et ceux des branches d’étude retenues plus rentables, confrontés à une demande excessive de travail dans une société extrêmement exigeante, où la mise en concurrence sectorielle s’est déjà installée.

Dans cette réalité, s’organiser reste une tâche extrêmement difficile, même si la solidarité reste la seule arme qui peut être utilisée pour sortir de cette impasse.

Il est vrai que des associations pour la défense des intérêts des étudiant-e-s sont présentes dans presque toutes les universités de Suisse, mais ces organismes n’ont souvent que très peu de reconnaissance au niveau légal. Leur pouvoir décisionnel est très limité et les étudiant-e-s qui en font partie sont souvent plus intéressé-e-s à ajouter une ligne de plus dans leur CV plutôt qu’à organiser les étudiant-e-s dans leurs luttes. Donc, selon l’occasion, les associations d’étudiants peuvent être décrites face aux recteurs et à la presse comme la voix de tous les étudiant-e-s, s’ils approuvent les politiques institutionnelles. Ou alors comme un groupuscule peu représentatif lorsqu’elles essayent de porter une idée dissidente à la ligne directrice des hautes instances académiques.

Aujourd’hui changer cette réalité signifie donc se réapproprier  une vraie démocratie au sein des écoles supérieures et mettre à nouveau les étudiant-e-s, vrai cœur pulsant des universités, au centre des processus décisionnels. Ceci ne peut se faire qu’à travers des luttes concrètes qui pourraient amener un changement des rapports de force actuels.

Notre engagement dans ce contexte, en tant que jeunes militantes de gauche, est visé vers une prise de conscience des étudiant-e-s, et donc des futur-e-s travailleuses/eurs, sur leur apport concret dans la construction de notre société. Pour éviter, dans le futur, de devoir faire face à une armée de professionnel-le-s aveugles face aux rôles et aux conséquences de leur travail et utiles uniquement à la classe dominante et ses intérêts.

De cette façon, nous pourrons finalement profiter d’universités qui pourront être considérées comme des vrais centres de pluralité, stimulées par une pensée critique et dédiées au développement d’une société plus humaine.

Gianfranco Cavalli, Jeunes POP Vaud