Par Christiane Jaquet, députée au Grand Conseil vaudois
Pour 2014, les cotisations de l’AVS, qui représentent 40,56 milliards, n’ont pas, exceptionnellement et pour 320 millions,
couvert totalement les coûts des rentes comme d’habitude. Le conseiller fédéral Berset a dû sourire finement de ce qu’il a pris sans doute pour un appui inattendu à son fameux paquet 2020. On l’a entendu exprimer un pragmatisme modeste: «On l’avait bien dit.» En effet, depuis Pascal Couchepin, le Conseil fédéral annonce des déficits abyssaux pour l’AVS qui se sont jusqu’à aujourd’hui révélés totalement faux. Ce sont les ficelles d’une stratégie de dénigrement du système de
répartition de l’AVS, celui qui laisse sur le carreau banquiers et assureurs vie qui eux ne voient de beau que le 2ème pilier, source de juteux profits.

Alors, à force de crier au loup pour l’AVS, a-t-il fini par arriver? Il vaudrait mieux dire qu’à force d’endiguer les rentes AVS depuis 1975 – plus d’une génération – et de ne pas modifier l’assiette des cotisations AVS (4,2%), il finit logiquement par y avoir un problème. D’une part à cause des répercussions lentes et inexorables de la crise de 2008 sur les salaires, les
emplois et les entreprises et, d’autre part, vu l’augmentation bien connue- et depuis longtemps – des nouveaux retraités issus du baby boom. Il va manquer un financement à l’AVS pour un certain nombre d’années, surtout dès 2028. Ensuite, la courbe démographique s’infléchira, on le sait, ces futurs retraités sont déjà nés.
La santé de l’AVS aujourd’hui
Or, aujourd’hui, ces 320 millions négatifs ne mettent pas en danger les rentes. Le fonds de compensation de l’AVS est là justement pour régulariser des situations délicates. Le revenu de 1,752 milliard de la fortune du fonds est largement plus
élevé que l’an dernier. Aussi, le résultat d’exploitation, qui comprend aussi bien le montant de la gestion de fortune que les intérêts payés par la Confédération sur la dette de l’AI (275 millions) est plus élevé que l’an dernier. Car ce qu’on oublie trop souvent, c’est que le fonds AVS a prêté 15 milliards et donné purement et simplement 5 milliards à l’AI. La Confédération s’était engagée à payer 2% d’intérêt par an, une somme qu’elle a jugée exagérée et qu’elle a diminué de moitié… Jusqu’à maintenant cette dette a été amortie de quelque 0,6 milliards, chiffres de fin 2013. Si la Confédération avait payé en 2014 ce qu’elle avait promis, cela aurait largement compensé les 320 millions négatifs. Le silence d’Alain Berset est assourdissant sur cette question.
L’AVS noyée dans un brouet
Plutôt que de reconnaître l’exemplarité du système par répartition qui est celui de l’AVS depuis 1947 et de le développer, le Conseil fédéral, dans son projet 2020, fait de l’AVS la roue de secours du 2ème pilier qui n’a que 30 ans. Le funeste système par capitalisation de la LPP est à la merci des rendements financiers, des boursicotages et aujourd’hui cruellement victime des taux négatifs. Où en est le pactole inimaginable de 750 milliards engrangés au fil des ans grâce à l’épargne de longue haleine de la LPP? On n’en sait rien. Certains affirment que 150 milliards se seraient envolés. AXA Winterthur
ne vient-elle pas d’informer qu’elle allait baisser les rentes vu les taux négatifs mais aussi en raison de ses actionnaires qui comprendraient mal que l’on diminue leurs dividendes? Alain Berset tente de faire bonne figure à mauvaise fortune, mais les faits sont têtus. Et le peuple, qui a toujours fait confiance à l’AVS et qui y tient fidèlement, pourrait faire savoir combien le passage au mixer du système des retraites en Suisse est un brouet impossible à avaler.