Le sujet est hautement émotionnel et passionnel. Il exige néanmoins des réponses rationnelles et nuancées.
L’initiative proposée est, à première vue, séduisante. Elle peut donner l’impression qu’elle est la bonne réponse à l’émotion suscitée par des cas de pédophilie particulièrement abjects, tels ceux, commis par des ecclésiastiques, qui ont été trop longtemps couverts par la hiérarchie catholique.
Cependant, une analyse plus approfondie de sa forme et de son contenu a conduit la majorité du PST/POP – au terme d’un débat interne où il y a eu une minorité non négligeable – à la rejeter. Ce qui ne signifie bien sûr nullement que nous serions partisans de la pédophilie, ou même complaisants envers celle-ci !
Quelles sont les raisons qui invitent à rejeter cette initiative ?
D’abord, celle-ci a été lancée par les organisateurs/-trices (en soi tout à fait respectables) des «Marches blanches», dans une atmosphère d’indignation, suite à des affaires qui ont profondément choqué la population. Cette indignation était sans doute légitime. Mais on ne fait pas de la bonne politique, on ne prend pas des décisions sages sous le coup de l’émotion ! On pourrait comparer la démarche qui a conduit à la rédaction de cette initiative à celle des citoyens et citoyennes qui, après des crimes particulièrement atroces, réclament le rétablissement de la peine de mort…
Or l’initiative n’aura pas plus d’effet dissuasif sur les actes pédophiles que la peine de mort aux Etats-Unis n’en a sur la criminalité.
Ensuite, le texte de l’initiative – qui veut écarter «définitivement» du contact professionnel ou bénévole avec des enfants et des personnes dépendantes tout auteur, même épisodique, d’un acte pédophile – fait fi de toute thérapie. Elle élimine d’emblée la possibilité d’une prise de conscience et d’un retour sur soi. Dans de nombreux cas, une psychothérapie dans la durée peut aboutir à la guérison des personnes présentant des tendances pédophiles. Généraliser cette mesure «définitive» de manière mécanique, c’est nier toute évolution, tout progrès chez l’être humain, et toute valeur aux avancées de la médecine et des psychothérapies. Cela étant dit, il est clair que, dans certains cas particulièrement graves et impliquant le risque de récidive, des mesures strictes doivent être prises pour mettre à l’abri les enfants et les personnes dépendantes des atteintes à leur intégrité physique et psychique qui pourraient être commises par des pédophiles récidivistes.
D’autre part, l’initiative met sur le même pied les cas occasionnels et bénins, et les cas graves requérant des mesures sévères. L’automatisme de la peine ne laisse plus aucune marge d’appréciation au juge. Ainsi, un jeune de 20 ans qui aurait eu des rapports avec une adolescente mineure de 14 ans serait mis sur le même pied qu’un adulte ayant agressé systématiquement de jeunes enfants ! C’est à la justice de régler ces cas selon le principe de la proportionnalité, et non à une initiative rigide inscrite dans la Constitution.
Enfin, n’oublions pas que la grande majorité des actes pédophiles se commettent dans le cadre familial (parents, oncles, grands-parents…) et non dans le cadre professionnel. L’initiative ne répond pas à ce problème-là.
Sans tomber dans l’angélisme, une majorité dans le PST/POP invite donc ses concitoyens et concitoyennes à rejeter une initiative qui part sans doute de bons sentiments, mais qui n’est pas une bonne réponse à une question complexe. Par ailleurs, les Chambres fédérales ont profondément modifié la loi, dans le sens d’un contrôle plus sévère et d’un renforcement des mesures contre la pédophilie. En cas de rejet de l’initiative, ces mesures entreront automatiquement en vigueur.
Pierre Jeanneret