Jean-Paul Dudt, député POP
Paru dans 24Heures le 2 décembre 2004

En refusant d’admettre la thèse du POP – selon laquelle la baisse des recettes d’impôt constatée en 2003 était purement conjoncturelle suite au changement de système fiscal – l’Etat a, au printemps dernier, fortement revu à la baisse ses prévisions fiscales pour 2005.

Pour compenser, il a immédiatement sabré dans le budget 2005 en réduisant drastiquement les subsides versés au titre de l’aide sociale et du RMR (Revenu minimum de réinsertion pour les chômeurs en fin de droit). Dans la même « logique », il veut diminuer les prestations aux pensionnaires des EMS, tout en leur facturant davantage !

Le budget 2005 demande ainsi à un chômeur en fin de droit avec charge de famille de participer au redressement des finances cantonales à raison de 2’508 francs par an, lui qui vit déjà en dessous du minimum vital’ Le Conseil d’Etat a « justifié » cette mesure indécente par l’obligation de limiter le déficit budgétaire à 173 millions, qui semblait être, il y a encore quelques semaines, une sorte de limite psychologique admissible pour la droite au pouvoir.

Or, entre temps, la situation a évolué. En se fondant sur la thèse des baisses fiscales conjoncturelles de 2003 et sur les projections publiées par l’Etat en septembre dernier, le POP a démontré que les prévisions fiscales de 2005 étaient sous-estimées d’au moins 100 millions. Ce que l’Etat a fini par confirmer en extrapolant les taxations fiscales effectuées à fin octobre.

l’hypothèse d’une sous-évaluation fiscale de plusieurs dizaines de millions pour 2005, confirmée par deux approches différentes, semble donc solide. Elle améliore sensiblement le budget, et la limite fatidique des 173 millions de déficit – à ne pas dépasser selon la doctrine de la droite au pouvoir – pourra être facilement tenue tout en renonçant aux coupes les plus inhumaines dans l’aide sociale et dans les EMS.

Car si la droite au pouvoir refusait de jeter du lest maintenant que les prévisions fiscales sont plus optimistes, on pourrait légitimement la soupçonner d’avoir péjoré ces prévisions à dessein, dans le seul but de pouvoir procéder à des coupes sombres.

Et qu’on ne vienne pas invoquer la dette cantonale pour trouver une nouvelle « justification » ! Car les 7 millions que l’Etat compte p. ex. économiser dans l’aide sociale ne sont qu’une goûte d’eau dans l’océan des finances cantonales. Tandis que pour les personnes touchées, les 2’580 francs annuels de diminution de prestations sont un vrai assommoir ! Maintenir coûte que coûte les coupes dans le social et dans les EMS s’apparenterait plus au sadisme qu’au redressement des finances cantonales.

Il est par ailleurs frappant de constater que les représentants de la droite rétrolibérale ? qui ne se sont jusqu’à présent guère émus des coupes antisociales – combattent jusqu’au Tribunal fédéral les mesures ciblées sur les contribuables aisés, comme l’augmentation limitée dans le temps de l’impôt sur la fortune. Et pourtant ces rétrolibéraux savent bien que cette mesure, qu’ils présentent comme spoliatrice, demandera à un contribuable déclarant 10 millions de fortune imposable moins que ce qui est demandé à une personne au RMR avec charge de famille !