Initiative contre les rémunérations abusives, l’initiative qui effraie les grands patrons (mais n’offre rien aux travailleurs)

Cette initiative vise à entraver les enrichissements personnels des top-managers et établir de nouveaux principes pour un bon gouvernement d’entreprise. Tout un programme ! Surtout que les milieux financiers excellent dans l’art de contourner les lois pour pouvoir s’adonner à ces pratiques inégalitaires. Nous nous retrouvons donc avec une initiative des plus complexes pour, de la bouche même de l’initiant Minder, n’omettre aucune possibilité de contourner la loi. Voici les réglementations prévues :

1. L’assemblée générale (AG) est censée procéder chaque année aux votes suivants:

– Vote au sujet des trois montants totaux de toutes les rémunérations – de l’ensemble du conseil d’administration (CA), de l’ensemble de la direction et du comité consultatif

– Élection respective des membres du comité de rémunération: Ce comité a la tâche ensuite de déterminer le niveau des salaires individuels des membres du CA et de la direction.

– Election du président et des membres du Conseil d’administration.

– Election du représentant indépendant du droit de vote.

2. L’assemblée générale fixe statutairement les points suivants :

– déterminer si un bonus peut être payé ou non en cas de perte dans l’entreprise

– déterminer le nombre de mandats des membres du CA et de la direction en dehors du groupe de sociétés (Les managers qui encaissent des rémunérations aussi importantes devraient exclusivement se consacrer à leur entreprise.)

– déterminer le niveau des retraites

– déterminer le niveau des crédits et prêts aux cadres dirigeants

– déterminer la durée des contrats de travail des membres de la direction

3. Obligation pour les fonds de pension (investissent d’importantes sommes dans des actions suisses) de voter dans l’intérêt de leurs assurés et de communiquer leur vote.

4. Mise en place du vote électronique à distance, ceci pour permettre au plus grand nombre de s’exprimer.

5. Les interdictions suivantes sont prévues :

– Aucune indemnité de départ à des membres du CA et de la direction s’ils quittent l’entreprise.

– Aucun paiement d’avance à des membres du CA et de la direction avant qu’ils aient accepté le job.

– Aucune prime en cas d’achat et de vente de firmes à des membres du CA et de la direction.

– Interdiction de la représentation du droit de vote d’organes et d’actions en dépôt.

– Interdiction de délégation: la gestion d’une société ne peut plus être déléguée à une personne morale, p. ex. à une autre société anonyme.

– Aucun contrat multiple: les membres du CA et de la direction ne recevront pas d’autres contrats de travail ou de conseil d’autres filiales de leur groupe de sociétés.

6. Domaine d’application: il est important de souligner que cette initiative populaire ne touche que des sociétés anonymes suisses qui sont cotées en Bourse en Suisse ou à l’étranger.

7. Disposition pénale: les contrevenants à ces prescriptions sont punis d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans et d’une amende pouvant correspondant à six rémunérations annuelles.

 

Bien sûre cette initiative n’est pas la nôtre. Elle l’aurait été, elle aurait contenu bien d’autres réglementations la rendant plus anticapitaliste. Nous ne pouvons, en effet, que regretter que rien ne soit accordé aux travailleurs. Quand bien même une partie de la somme non versée aux managers remplira nos caisses de pensions et donc nos retraites, nous faisant bénéficier indirectement de cet argent, la part économisée devrait servir directement aux travailleurs qui constituent, bien plus que les actionnaires, la force d’une entreprise et contribuent à son succès. Mais cette initiative a au moins le mérite de stopper la pratique scandaleuse des salaires mirobolants et des parachutes dorés, dont les exemples parlent d’eux-mêmes (cf image) et de remettre un peu de décence au cœur de notre société. C’est pourquoi nous appelons tout de même à voter oui le 3 mars à l’initiative contre les rémunérations abusives, histoire de faire déjà un bout de chemin.

Mais surtout, plus que de limiter les hauts salaires il est primordial de rehausser les bas salaires. Nous n’oublions donc pas l’initiative sur le salaire minimum qui est le seul moyen pour ce faire et que le peuple suisse votera à la fin de l’année voir début 2014. N’oublions pas non plus que cette idée a été lancée la première fois au niveau cantonal par le POP, reprise depuis par le PS. Et répondons à Monsieur Schneider-Amman, qui appelle à rejeter cette initiative sous prétexte que le système actuel a fait ses preuves, de ne pas oublier les 430’000 salariés suisses qui gagnent moins de 4000.- par mois. Peut-être aimeraient-ils voir quelles preuves notre conseiller fédéral peut-il avancer pour justifier son propos.

Céline Misiego