| Le 17 mai 2009, le peuple suisse votera sur la loi sur les données d’identité modifiée. L’enjeu est simple : les cartes d’identité et les passeports devront-ils à l’avenir contenir obligatoirement nos données biométriques (photo du visage numérisée, empreintes digitales), ou pourrons-nous conserver le libre choix, soit la possibilité d’obtenir des documents d’identité non-biométriques , comme c’est le cas aujourd’hui ? Les documents d’identité biométriques soulèvent de nombreuses questions, à différents niveaux. En premier lieu, ces documents sont présentés comme un gage de sécurité. Pareille affirmation mérite d’être fortement relativisée : une étude du Fonds national de la recherche scientifique, relatée dans le No. 536 d’Uniscope (publication de l’Université de Lausanne), arrive à la conclusion que l’introduction de ces documents est prématurée, tant la technologie manque de fiabilité. Tout un chacun pourrait ainsi falsifier ses empreintes digitales avant la saisie, à l’aide d’instructions simples et disponibles dans le domaine public : même les capteurs les plus sophistiqués peuvent être trompés. En ce qui concerne la photo numérisée, Jonas Richiardi, chercheur à l’EPFL, est catégorique : « les instruments techniques ne sont pas au point ». Ces différentes mises en garde concordent avec les résultats fournis par les scientifiques du FIDIS (réseau d’excellence mis en place par l’Union européenne), et synthétisés dans la « déclaration de Budapest ». Notons que la police fédérale le reconnaît elle-même : les éléments de sécurité du passeport non-biométrique actuel (modèle 03) « satisfont encore aujourd’hui aux plus hautes exigences ». Nous ne sommes donc pas en situation d’urgence. La base de données qui serait créé soulève aussi de nombreuses questions. Le projet soumis en votation prévoit en effet la création d’une structure centralisant les données biométriques. En avril 2008, Eliane Schmid, collaboratrice scientifique du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) déclarait à ce propos: « […] nous sommes opposés à l’archivage de toutes ces informations, en particulier des empreintes digitales, dans une banque de données centralisée, ainsi que le prévoit le projet de loi adopté par le Parlement suisse. Et ce point de vue est partagé par toutes les autorités européennes chargées de la protection des données. […] Selon nous, toute nouvelle banque de données peut, tôt ou tard, induire la tentation d’en faire d’autres usages que ceux prévus initialement ». Le parlement européen, en s’opposant à pareille centralisation, exprimait les mêmes craintes. Ces dernières années, les banques de données se sont multipliées en Suisse: aujourd’hui déjà, on estime qu’entre 10 et 20% de la population est fichée dans le Système d’identification des empreintes digitales, la banque de données de l’ADN ou d’autres archives spécialisées, par exemple dans la lutte contre le terrorisme. Plus généralement, la constitution de larges bases de données présente toujours des risques, à travers la possibilité de faire des recoupements avec d’autres sources. Enfin, le risque que ces données soient utilisées à d’autres fins, par exemples commerciales, ne peut être écarté.
Julien Sansonnens Opinion parue dans « Le Temps » du 27 nov. |

